<151>sont coûteuses, il en résulte au moins l'avantage que les guerres ne peuvent durer que huit ou dix années au plus, et qu'ensuite l'épuisement des ressources oblige les souverains à se montrer, dans de certains cas, plus pacifiques qu'ils ne le seraient par inclination. Il résulte donc de nos usages modernes que nos guerres sont plus courtes que celles des anciens, moins ruineuses aux provinces qui leur servent de théâtre, et que nous devons aux grandes dépenses qu'elles entraînent les paix passagères dont nous jouissons et que l'épuisement des puissances rendra probablement plus longues.
Je passe plus outre. Notre ennemi des rois assure que les souverains ne tiennent point leur puissance d'autorité divine. Nous ne le chicanerons point sur cet article; il lui arrive si rarement d'avoir raison, que ce serait marquer de l'humeur de le contredire quand les probabilités sont pour lui. En effet, les Capet usurpèrent l'empire, les Carlovingiens s'en emparèrent par adresse et par artifice, les Valois et les Bourbons eurent la couronne par droit de succession. Nous lui sacrifions encore les titres d'images de la Divinité, de représentants de la Divinité, qu'on leur attribue si improprement. Les rois sont hommes comme les autres; ils ne jouissent point du privilége exclusif d'être parfaits dans un monde où rien ne l'est; ils apportent leur timidité ou leur résolution, leur activité ou leur paresse, leurs vices ou leurs vertus sur le trône où les place le hasard de leur naissance; et dans un royaume héréditaire il faut de nécessité que des princes de tout caractère se succèdent. Il y a de l'injustice à prétendre que les princes soient sans défauts, quand on ne l'est pas soi-même. Quel art y a-t-il à dire : un tel est fainéant, avare, prodigue ou débauché? Pas plus qu'à lire, en se promenant dans une ville, les enseignes des maisons. Un philosophe, qui doit savoir que la nature des choses ne change jamais, ne s'amusera pas à reprocher à un chêne de ne point porter des pommes, à un âne de ne point avoir les ailes d'un aigle, à un esturgeon de ne point avoir les cornes d'un taureau; il n'exagérera point des maux réels, mais difficiles à remédier; il n'ira pas crier : tout est mal! sans dire comment tout pourrait être bien; sa voix ne servira point de trompette à la sédition, de signe de ralliement aux mécon-