<152>tents, de prétexte à la rébellion; il respectera les usages établis et autorisés par la nation, le gouvernement, ceux qui le composent, et ceux qui en dépendent. C'est ainsi que pensait le pacifique Du Marsais, auquel on fait composer un libelle deux ans après qu'il est mort et enterré, mais dont le véritable auteur ne peut être qu'un écolier aussi novice dans le monde qu'étourdi. Mais que me reste-t-il encore à dire? Quoi! dans un pays où l'auteur de Télémaque éleva le successeur du trône, on se récrie contre l'éducation des princes! Si l'écolier répond qu'il n'y a plus de Fénelon en France, il doit s'en prendre à la stérilité du siècle, et non pas à ceux qui dirigent l'éducation des princes.
Voici en substance mes remarques générales sur l'Essai des préjugés. Le style m'en a paru ennuyeux, parce que c'est toujours une déclamation monotone où les mêmes idées répétées se représentent trop souvent sous la même forme. Parmi ce chaos j'ai cependant trouvé quelques morceaux de détail supérieurs. Au reste, pour faire de cet ouvrage un livre utile, il faudrait en rayer les répétitions, les concetti, les faux raisonnements, les ignorances et les injures; ce qui le réduirait au quart de son volume. Qu'ai-je donc appris par cette lecture? quelle vérité l'auteur m'a-t-il enseignée? Que tous les ecclésiastiques sont des monstres à lapider; que le roi de France est un tyran barbare, ses ministres des archicoquins, ses courtisans des fripons lâches et rampants au pied du trône, les grands du royaume des ignorants pétris d'arrogance (ah! qu'il en excepte au moins le duc de Nivernois!a), que les maréchaux et les officiers français sont des bourreaux mercenaires, les juges d'infâmes prévaricateurs, les financiers des Cartouchesb et des Mandrins,b les historiens des corrupteurs de princes, les poëtes des empoisonneurs publics, et qu'il n'y a de sage, de louable, de digne d'estime dans tout le royaume que l'auteur et ses amis, qui se sont revêtus du titre de philosophes.
Je regrette le temps que j'ai perdu à lire cet ouvrage et celui que je perds encore à vous en faire le recensement.
A Londres, ce a avril 1770.
a Voyez t. IV, p. 37.
b Voyez t. VIII, p. 135 et 279, et t. IV, p. 34.