<159>velles. Dans la première de ces opérations l'âme est passive, dans la seconde elle est active. L'invention et l'imagination travaillent sur des objets que les sens nous ont appris à connaître : par exemple, comme, lorsque Newton apprit la géométrie, son esprit était patient, il recueillait des notions; mais lorsqu'il parvint à ses découvertes étonnantes, il était plus qu'agent, il était créateur. Il faut bien distinguer dans l'homme les différentes opérations de l'esprit, esclave dans celles où l'impulsion domine, et très-libre dans celles où son imagination agit. Je conviens donc avec l'auteur qu'il y a un certain enchaînement de causes dont l'influence agit sur l'homme et le domine par reprises. L'homme reçoit en naissant son tempérament, son caractère avec le germe de ses vices et de ses vertus, une portion d'esprit qu'il ne peut ni resserrer ni étendre, des talents ou du génie, ou de la pesanteur et de l'incapacité. Aussi souvent que nous nous laissons emporter à la fougue de nos passions, la fatalité, victorieuse de notre liberté, triomphe; aussi souvent que la force de la raison dompte ces passions, la liberté l'emporte.

Mais l'homme n'est-il pas très-libre quand on lui propose différents partis, qu'il examine, qu'il penche vers l'un ou vers l'autre, et qu'enfin il se détermine par son choix? L'auteur me répondra sans doute que la nécessité dirige ce choix. Je crois entrevoir dans cette réponse un abus du terme de nécessité confondu avec ceux de cause, de motif, de raison. Sans doute que rien n'arrive sans cause, mais toute cause n'est pas nécessaire. Sans doute qu'un homme qui n'est pas insensé se déterminera par des raisons relatives à son amour-propre; je le répète, il ne serait pas libre, mais fou à lier, s'il agissait autrement. Il en est donc de la liberté comme de la sagesse, de la raison, de la vertu, de la santé, qu'aucun mortel ne possède parfaitement, mais par intervalles. Nous sommes, en quelques articles, patients sous l'empire de la fatalité, et, en quelques autres, agents indépendants et libres. Tenons-nous-en à Locke. Ce philosophe est très-persuadé que, lorsque sa porte est fermée, il n'est pas le maître d'en sortir, mais que, lorsqu'elle est ouverte, il est libre d'agir comme bon lui semble. Plus on quintessencie cette matière, plus elle s'embrouille; on parvient à force de raffinements à la rendre si obscure,