<161>cessaire et irrésistible fait mouvoir au gré de son caprice. Toutes ces fautes dans lesquelles notre auteur est tombé viennent de la fureur de l'esprit systématique; il s'est prévenu pour ses opinions; il a rencontré des phénomènes, des circonstances et des morceaux de détail qui cadraient bien avec son principe; mais en généralisant ses idées, il a trouvé d'autres combinaisons et des vérités d'expérience qui lui étaient contraires; pour ces dernières, à force de les tordre et de leur faire violence, il les a ajustées le mieux qu'il a pu avec le reste de son système. Il est certain qu'il n'a négligé aucune des preuves qui peuvent fortifier le dogme de la fatalité, et en même temps il est clair qu'il le dément dans tout le cours de son ouvrage. Pour moi, je pense que dans un cas pareil un véritable philosophe doit sacrifier son amour-propre à l'amour de la vérité.

Mais passons à l'article qui regarde la religion. On pourrait accuser l'auteur de sécheresse d'esprit et surtout de maladresse, parce qu'il calomnie la religion chrétienne, en lui imputant des défauts qu'elle n'a pas. Comment peut-il dire avec vérité que cette religion est cause de tous les malheurs du genre humain? Pour s'exprimer avec justesse il aurait pu dire simplement que l'ambition et l'intérêt des hommes se servent du prétexte de cette religion pour troubler le monde et contenter les passions. Que peut-on reprendre de bonne foi dans la morale contenue dans le Décalogue? N'y eût-il dans l'Évangile que ce seul précepte : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse, » on serait obligé de convenir que ce peu de mots renferme la quintessence de toute morale. Et le pardon des offenses, et la charité, et l'humanité ne furent-elles pas prêchées par Jésus dans son excellent sermon de la montagne? Il ne fallait donc pas confondre la loi avec l'abus, les choses écrites et les choses qui se pratiquent, la véritable morale chrétienne avec celle que les prêtres ont dégradée. Comment donc peut-il charger la religion chrétienne en elle-même d'être la cause de la dépravation des mœurs? Mais l'auteur pourrait accuser les ecclésiastiques de substituer la foi aux vertus de la société, des pratiques extérieures aux bonnes œuvres, des expiations légères aux remords de la conscience, des indulgences qu'ils vendent, à la nécessité de