<165>nécessité de punir les malfaiteurs? Il arrive sans doute de loin à loin que quelques scélérats échappent à la rigueur des lois; mais jamais cela ne provient d'un dessein fixe d'encourager les attentats par l'espérance de l'impunité; il faut attribuer ces sortes de cas à la trop grande indulgence du prince. Il arrive sans doute dans tout gouvernement que des coupables, par intrigue, par corruption, ou par l'appui de protecteurs puissants, trouvent le moyen de se soustraire aux punitions qu'ils ont méritées; mais pour arrêter ces sortes de manéges, d'intrigues, de corruptions, il faudrait qu'un prince possédât l'omniscience que les théologiens attribuent à Dieu.
En fait de gouvernement, notre auteur bronche à chaque pas; il s'imagine que la nécessité et la misère provoquent les hommes aux plus grands crimes. Ce n'est point cela. Il n'y a aucun pays où tout homme qui n'est ni paresseux ni fainéant ne trouve suffisamment par son travail de quoi subsister. Dans tous les États, l'espèce la plus dangereuse est celle des dissipateurs et des prodigues : leurs profusions épuisent en peu de temps leurs ressources; ce qui les réduit à des extrémités fâcheuses qui les forcent ensuite à recourir aux expédients les plus bas, les plus odieux, les plus infâmes. La troupe de Catilina, les adhérents de Jules César, les frondeurs que le cardinal de Retz avait ameutés, ceux qui s'attachèrent à la fortune de Cromwell, étaient tous gens de cette espèce, qui ne pouvaient s'acquitter de leurs dettes ni réparer leur fortune délabrée qu'en bouleversant l'État dont ils étaient citoyens. Dans les premières familles d'un État, les prodigues friponnent et cabalent; chez le peuple, les dissipateurs et les paresseux finissent par devenir brigands et par commettre les attentats les plus énormes contre la sûreté publique.
Après que l'auteur a prouvé évidemment qu'il ne connaît ni les hommes, ni comment il faut les gouverner, il répète les déclamations des satires de Boileau contre Alexandre le Grand, il fait des sorties contre Charles-Quint et son fils Philippe II, quoiqu'on s'aperçoive à ne s'y point tromper qu'il en veut à Louis XIV. De tous les paradoxes que les soi-disant philosophes de nos jours soutiennent avec le plus de complaisance, celui d'avilir les grands hommes du siècle passé paraît leur tenir le plus à cœur. Quelle