<175>pour conserver la réputation qu'ils ont si justement acquise. Il faut, dans ces temps modernes, qu'un guerrier étudie la géométrie, la fortification, l'hydraulique, la mécanique, pour construire des forts, former des inondations artificielles, connaître la force de la poudre, calculer le jet des bombes, savoir diriger l'effet des mines, faciliter le transport des machines de guerre. Il faut qu'il sache à fond la castramétation et la tactique, la mécanique de l'exercice, qu'il ait une connaissance exacte des terrains et de la géographie, et que ses projets de campagne soient semblables à une démonstration géométrique, quoiqu'il soit borné à l'art conjectural. Il doit avoir la mémoire remplie de l'histoire de toutes les guerres précédentes, pour que son imagination ait la liberté d'y puiser comme dans une source féconde.

Mais les généraux ne sont pas les seuls obligés de recourir aux archives des temps passés; le magistrat, le jurisconsulte, ne sauraient s'acquitter de leurs devoirs, s'ils n'ont bien approfondi cette partie de l'histoire qui concerne la législation. Il faut non seulement qu'ils aient étudié l'esprit des lois du pays qu'ils habitent, mais qu'ils sachent encore celles des autres peuples, et à quelles occasions elles ont été promulguées ou abolies.

Ceux même qui se trouvent à la tête des nations, et ceux qui administrent sous eux les gouvernements, ne sauraient se passer d'étudier l'histoire :a c'est leur bréviaire, c'est un tableau qui leur représente les plus fines nuances des caractères et les actions des hommes puissants, leurs vertus, leurs vices, leurs succès, leurs malheurs, leurs ressources. Dans l'histoire de leur patrie, qui doit attirer leur attention principale, ils trouvent l'origine des institutions bonnes ou mauvaises, et une chaîne d'événements liés les uns aux autres, qui les conduit jusqu'au temps présent; ils y trouvent les causes qui ont uni les peuples et les causes qui ont rompu ces liens, des exemples à suivre, des exemples à éviter. Mais quel objet de méditation pour un prince, que de passer en revue cette multitude de souverains que l'histoire lui présente! Il s'en trouve nécessairement, dans ce nombre, de son caractère ou dont les actions ont quelque rapport aux siennes; et, dans le jugement que la postérité en a porté, il voit, comme dans un


a Voyez t. VIII, p. 291, et ci-dessus, p. 41 et 56.