<199>local du pays que le magistrat doit gouverner, et bien connaître le génie de la nation, parce qu'en péchant par ignorance, le souverain se rend aussi coupable que par les péchés qu'il aurait commis par malice : les uns sont des défauts de paresse, les autres des vices du cœur; mais le mal qui en résulte est le même pour la société.

Les princes, les souverains, les rois ne sont donc pas revêtus de l'autorité suprême pour se plonger impunément dans la débauche et dans le luxe; ils ne sont pas élevés sur leurs concitoyens pour que leur orgueil, se pavanant dans la représentation, insulte avec mépris à la simplicité des mœurs, à la pauvreté, à la misère; ils ne sont point à la tête de l'État pour entretenir auprès de leurs personnes un tas de fainéants dont l'oisiveté et l'inutilité engendrent tous les vices. La mauvaise administration du gouvernement monarchique provient de bien des causes différentes, qui ont leur source dans le caractère du souverain. Ainsi un prince adonné aux femmes se laissera gouverner par ses maîtresses et par ses favoris; ceux-là, abusant du pouvoir qu'ils ont sur l'esprit du prince, se serviront de cet ascendant pour commettre des injustices, protéger des gens perdus de mœurs, vendre des charges, et autres infamies pareilles. Si le prince, par fainéantise, abandonne le gouvernail de l'État en des mains mercenaires, je veux dire à ses ministres, alors l'un tire à droite, l'autre à gauche, personne ne travaille sur un plan général, chaque ministre renverse ce qu'il a trouvé établi, quelque bonne que soit la chose, pour devenir créateur de nouveautés et pour réaliser ses fantaisies, souvent au détriment du bien public; d'autres ministres qui remplacent ceux-là se hâtent de bouleverser à leur tour ces arrangements avec aussi peu de solidité que leurs prédécesseurs, satisfaits de passer pour inventeurs. Ainsi cette suite de changements et de variations ne donne pas à ces projets le temps de pousser racine. De là naissent la confusion, le désordre et tous les vices d'une mauvaise administration. Les prévaricateurs ont une excuse toute prête : ils couvrent leur turpitude de ces changements perpétuels; et comme ces sortes de ministres se contentent de ce que personne ne recherche leur conduite, ils se gardent bien d'en donner l'exemple en sévissant contre leurs su-