<200>balternes. Les hommes s'attachent à ce qui leur appartient; l'État n'appartient pas à ces ministres; ils n'ont donc pas son bien véritablement à cœur, tout s'exécute avec nonchalance et avec une espèce d'indifférence stoïque, d'où résulte le dépérissement de la justice, des finances et du militaire. De monarchique qu'il était, ce gouvernement dégénère en une véritable aristocratie où les ministres et les généraux dirigent les affaires selon leur fantaisie; alors on ne connaît plus de système général, chacun suit ses idées particulières, et le point central, le point d'unité est perdu. Comme tous les ressorts d'une montre conspirent au même but, qui est celui de mesurer le temps, les ressorts du gouvernement devraient être montés de même pour que toutes les différentes parties de l'administration concourussent également au plus grand bien de l'État, objet important qu'on ne doit jamais perdre de vue. D'ailleurs, l'intérêt personnel des ministres et des généraux fait pour l'ordinaire qu'ils se contrecarrent en tout, et que quelquefois ils empêchent l'exécution des meilleures choses, parce que ce ne sont pas eux qui les ont proposées. Mais le mal arrive à son comble, si des âmes perverses parviennent à persuader au souverain que ses intérêts sont différents de ceux de ses sujets : alors le souverain devient l'ennemi de ses peuples sans savoir pourquoi; il devient dur, sévère, inhumain par mésentendu, car le principe dont il part étant faux, les conséquences le doivent être nécessairement. Le souverain est attaché par des liens indissolubles au corps de l'État; par conséquent il ressent par répercussion tous les maux qui affligent ses sujets, et la société souffre également des malheurs qui touchent son souverain. Il n'y a qu'un bien, qui est celui de l'État en général. Si le prince perd des provinces, il n'est plus en état comme par le passé d'assister ses sujets; si le malheur l'a forcé de contracter des dettes, c'est aux pauvres citoyens à les acquitter; en revanche, si le peuple est peu nombreux, s'il croupit dans la misère, le souverain est privé de toute ressource. Ce sont des vérités si incontestables, qu'il n'est pas besoin d'appuyer davantage là-dessus.

Je le répète donc, le souverain représente l'État; lui et ses peuples ne forment qu'un corps, qui ne peut être heureux qu'autant que la concorde les unit. Le prince est à la société qu'il gou-