<203>que pour attaquer l'ennemi dans ceux qu'il occupe, au cas que d'importantes raisons l'exigent. Tant de raffinements nouveaux ont donc si fort changé l'art de la guerre, que ce serait de nos jours une témérité impardonnable à un général, en imitant les Turenne, les Condé, les Luxembourg, de risquer une bataille en suivant les dispositions que ces grands généraux ont faites de leur temps. Alors les victoires se remportaient par la valeur et par la force; maintenant l'artillerie décide de tout, et l'habileté du général consiste à faire approcher ses troupes de l'ennemi sans qu'elles soient détruites avant de commencer à l'attaquer. Pour se procurer cet avantage, il faut qu'il fasse taire le feu de l'ennemi par la supériorité de celui qu'il lui oppose. Mais ce qui restera éternellement stable dans l'art militaire, c'est la castramétrie, ou l'art de tirer le plus grand parti possible d'un terrain pour son avantage. Si de nouvelles découvertes se font encore, ce sera une nécessité que les généraux de ces temps-là se prêtent à ces nouveautés, et changent à notre tactique ce qui exige correction.
Il est des États qui, par leur local et par leur constitution, doivent être des puissances maritimes; tels sont l'Angleterre, la Hollande, la France, l'Espagne, le Danemark : ils sont environnés de la mer, et les colonies éloignées qu'ils possèdent leur prescrivent d'avoir des vaisseaux pour entretenir la communication et le commerce entre la mère patrie et ces membres détachés. Il est d'autres États, comme l'Autriche, la Pologne, la Prusse et même la Russie, dont les uns pourraient se passer de marine, et les autres commettraient une faute impardonnable en politique, s'ils divisaient leurs forces en voulant employer sur mer des troupes dont ils ont un besoin indispensable sur terre. Le nombre des troupes qu'un État entretient doit être en proportion des troupes qu'ont ses ennemis; il faut qu'il se trouve en même force, ou le plus faible risque de succomber. On objectera peut-être que le prince doit compter sur les secours de ses alliés. Cela serait bon, si les alliés étaient tels qu'ils devraient être; mais leur zèle n'est que tiédeur, et l'on se trompe à coup sûr, si l'on compte sur d'autres que sur soi-même. Si la situation des frontières est susceptible d'être défendue par des forteresses, il ne faut rien négliger pour en construire, et ne rien épargner pour les perfectionner.