<205>c'est en quoi consiste la véritable richesse du pays. La terre fournit les comestibles les plus nécessaires, et ceux qui la travaillent sont, comme nous l'avons déjà dit, les vrais pères nourriciers de la société.

On m'opposera peut-être que la Hollande subsiste sans que ses champs lui rapportent la centième partie de ce qu'elle consume. Je réponds à cette objection que c'est un petit État, chez lequel le commerce supplée à l'agriculture; mais plus un gouvernement est vaste, plus l'économie rurale a besoin d'être encouragée.

Une autre espèce d'impôts qu'on lève sur les villes, ce sont les accises. Elles veulent être maniées avec des mains adroites, pour ne point charger les comestibles les plus nécessaires à la vie, comme le pain, la petite bière, la viande, etc., ce qui retomberait sur les soldats, sur les ouvriers et sur les artisans; d'où il s'ensuivrait, pour le malheur du peuple, que la main-d'œuvre rehausserait de prix; par conséquent les marchandises deviendraient si chères, qu'on en perdrait le débit étranger. C'est ce qui arrive maintenant en Hollande et en Angleterre. Ces deux nations, ayant contracté des dettes immenses dans les dernières guerres, ont créé de nouveaux impôts pour en payer le dividende; mais comme leur maladresse en a chargé la main-d'œuvre, ils ont presque écrasé leurs manufactures. De là, la cherté en Hollande étant augmentée, ces républicains font fabriquer leurs draps à Verviers et à Liége, et l'Angleterre a perdu un débit considérable de ses laines en Allemagne. Pour obvier à ces abus, le souverain doit souvent se souvenir de l'état du pauvre peuple, se mettre à la place d'un paysan et d'un manufacturier, et se dire alors : Si j'étais né dans la classe de ces citoyens dont les bras sont le capital, que désirerais-je du souverain? Ce que le bon sens alors lui indiquera, son devoir est de le mettre en pratique. Il se trouve des provinces, dans la plupart des États de l'Europe, où les paysans, attachés à la glèbe, sont serfs de leurs gentilshommes; c'est de toutes les conditions la plus malheureuse et celle qui révolte le plus l'humanité. Assurément aucun homme n'est né pour être l'esclave de son semblable; on déteste avec raison un pareil abus, et l'on croit qu'il ne faudrait que vouloir