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LETTRES SUR L'AMOUR DE LA PATRIE.

I. LETTRE D'ANAPISTÉMON.

Je suis trop touché de la bonne réception que vous m'avez faite à votre campagne pour ne pas vous en témoigner ma reconnaissance. J'ai trouvé dans votre compagnie les plus grands biens que puissent posséder les hommes, la liberté et l'amitié. De crainte d'abuser de votre complaisance, je vous ai quitté, en regrettant de me séparer de vous. Le souvenir des jours heureux que j'ai passés dans votre terre ne s'effacera jamais de ma mémoire. Les biens qui nous arrivent sont passagers, et les maux ne sont que trop durables; mais la réminiscence du bonheur dont nous avons joui en perpétue la durée. Ma mémoire est encore tout occupée de ce que j'ai vu, surtout de ce que j'ai entendu, principalement de cette dernière conversation que nous eûmes ensemble le soir, après souper; mais je regrette que vous vous soyez borné à des idées générales, en parlant des devoirs des citoyens, et que vous ne soyez descendu en aucun détail. Vous me feriez un plaisir sensible, si vous vouliez vous étendre davantage sur cette matière importante : elle intéresse tous les hommes, et mérite par conséquent d'être profondément discutée. Je vous confesse qu'une vie tranquille, plus tournée à la jouissance qu'à la méditation, m'avait détourné de réfléchir sur les liens de la