<22>Il ne nous reste qu'à dire deux mots de l'Allemagne. Nous reçûmes les lois romaines lorsque ces peuples conquirent la Germanie, et nous les conservâmes, parce que les empereurs, abandonnant l'Italie, transportèrent chez nous le siége de leur empire. Cependant il n'est aucun cercle, aucune principauté, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait un droit coutumier différent; et ces droits, par la longueur du temps, se sont acquis force de lois.

Après avoir exposé la manière dont les lois se sont établies chez la plupart des peuples policés, nous remarquerons que, dans tous les pays où elles ont été introduites du consentement des citoyens, ce fut le besoin qui les y fit recevoir; et que, dans les pays subjugués, c'étaient les lois des conquérants qui devenaient celles des conquis; mais qu'également partout elles ont été augmentées successivement. Si l'on est étonné de voir au premier coup d'œil que les peuples puissent être gouvernés par tant de lois différentes, on peut revenir de sa surprise en observant que, pour l'essentiel des lois, elles se trouvent à peu près les mêmes; j'entends celles qui, pour le maintien de la société, punissent les crimes.

Nous observons encore, en examinant la conduite des plus sages législateurs, que les lois doivent être adaptées au genre du gouvernement et au génie de la nation qui les doit recevoir; que les meilleurs législateurs ont eu pour but la félicité publique; et qu'en général toutes les lois qui sont les plus conformes à l'équité naturelle, à quelques exceptions près, sont les meilleures.

Comme Lycurgue trouva un peuple ambitieux, il lui donna des lois plus propres à faire des guerriers que des citoyens; et s'il bannit l'or de sa république, c'était parce que l'intérêt est de tous les vices celui qui est le plus opposé à la gloire.

Solon disait de lui-même qu'il n'avait pas donné aux Athéniens les lois les plus parfaites, mais les meilleures qu'ils fussent capables de recevoir. Ce législateur considéra non seulement le génie de ce peuple, mais aussi la situation d'Athènes, qui était aux bords de la mer; par cette raison, il infligea des peines pour l'oisiveté, il encouragea l'industrie, et il ne défendit point l'or et l'argent, prévoyant que sa république ne pouvait devenir grande ni puissante que par un commerce florissant.

Il faut bien que les lois s'accordent avec les génies des nations,