<220>suivrai vos objections selon l'ordre dans lequel vous les rapportez dans votre lettre.
Je commencerai donc par vous faire remarquer qu'il ne suffit pas à un honnête homme de ne point être criminel; il doit être vertueux. S'il ne transgresse pas les lois, il évite les punitions; mais s'il n'est ni serviable, ni officieux, ni utile, il est sans mérite, et par conséquent il faut qu'il renonce à l'estime du public. Vous conviendrez donc que vous êtes engagé par votre propre avantage à ne vous pas séparer de la société, et même à travailler avec zèle à tout ce qui lui peut être bon et utile. Quoi! vous croiriez que l'amour de la patrie est une vertu idéale, quand tant d'exemples dans tant d'histoires témoignent combien cet amour a produit de grandes choses, en élevant des hommes véritablement sublimes au-dessus de l'humanité, et en leur inspirant les plus nobles et les plus fameuses entreprises! Le bien de la société est le vôtre. Vous êtes si fortement lié avec votre patrie, sans le savoir, que vous ne pouvez ni vous isoler ni vous séparer d'elle sans vous ressentir vous-même de votre faute. Si le gouvernement est heureux, vous prospérerez; s'il souffre, le contrecoup de son infortune rejaillira sur vous; de même, si les citoyens jouissent d'une opulence honnête, le souverain est dans la prospérité, et si les citoyens sont accablés de misère, la situation du souverain sera digne de compassion. L'amour de la patrie n'est donc pas un être de raison, il existe réellement. Ce ne sont pas ces maisons, ces murailles, ces bois, ces champs, que j'appelle votre patrie, mais vos parents, votre femme, vos enfants, vos amis, et ceux qui travaillent pour votre bien dans les différentes branches de l'administration et qui vous rendent des services journaliers, sans que vous vous donniez seulement la peine de vous informer de leurs travaux. Ce sont là, voyez-vous, les liens qui vous unissent à la société : l'intérêt des personnes que vous devez aimer, le vôtre et celui du gouvernement, qui, indissolublement unis ensemble, composent ce qu'on appelle le bien général de toute la communauté.
Vous dites qu'on ne saurait aimer la populace, ni les habitants d'une province qu'on ne connaît pas. Vous avez raison, si vous entendez qu'il s'agisse d'une union intime comme entre