<221>amis; mais il n'est question envers le peuple que de cette bienveillance que nous devons à tout le monde, plus encore à ceux qui habitent avec nous le même sol, et qui nous sont associés; et pour les provinces qui tiennent à notre monarchie, ne devons-nous pas au moins leur rendre les devoirs qu'on doit à des alliés? Supposé que dans votre présence un inconnu tombât dans une rivière, ne l'assisteriez-vous pas pour l'empêcher de se noyer? Et si vous rencontriez un passant qu'un assassin serait prêt d'égorger, ne vous verrait-on pas voler au secours du premier, et ne tâcheriez-vous pas de le sauver? Ce sont ces sentiments de pitié et de compassion que la nature a imprimés dans nos âmes, qui nous portent, comme par instinct, à nous assister mutuellement et à nous animer aux devoirs que les hommes ont à remplir les uns envers les autres. Je conclus donc que si nous devons des secours aux inconnus même, à plus forte raison les devons-nous aux citoyens auxquels nous lie le pacte social. Souffrez que je touche encore un mot des provinces de notre monarchie, envers lesquelles vous me paraissez si tiède. Ne comprenez-vous donc pas que si le gouvernement perdait ces provinces, il en serait affaibli, et que par conséquent, les ressources qu'il en a tirées venant à lui manquer, il serait moins en état de vous assister, si vous en aviez besoin, qu'il ne l'est à présent?
Vous voyez, mon cher ami, par ce que je vous expose, que les combinaisons de l'état politique sont très-étendues, et qu'on ne s'en fait point d'idée juste à moins de les approfondir; mais voici une nouvelle assertion que je ne saurais vous passer. Quoi! vous, qui êtes doué d'esprit et de talents, vous osez avancer que la végétation des plantes a de l'avantage sur l'activité animale! Se peut-il qu'un homme sensé préfère un lâche repos à un travail honorable, une vie molle, efféminée autant qu'inutile, à des actions vertueuses qui rendent immortel le nom de celui qui les a faites? Oui, nous allons tous nous acheminer vers notre tombeau, c'est une loi commune; mais la différence qu'on met entre les morts, c'est que les uns sont oubliés aussitôt qu'enterrés, et que ceux qui se sont souillés de crimes laissent une mémoire odieuse; au lieu que les hommes vertueux dont les services ont été utiles à la patrie, comblés de louanges et de bénédictions,