<224>vous prétendez jouir et qui vous élève au-dessus de tout l'univers. Oui, je vous applaudis, si vous entendez par votre indépendance l'empire que vous avez sur vous-même, par votre royauté le joug que vous avez imposé à vos passions; et vous pouvez vous élever sur beaucoup de ceux de votre espèce, si un amour ardent pour la vertu vous anime, et si vous lui dévouez tous les jours, que dis-je? tous les moments de votre vie. Sans ces correctifs, l'indépendance dont vous vous glorifiez n'est qu'un goût pour la fainéantise ennobli par de belles épithètes; et cette paresse dont vous faites sans cesse l'éloge, en vous rendant inutile à tout, engendre l'ennui, qui en est une suite nécessaire. Ajoutez à ceci le jugement d'un public malin et toujours porté à médire : on appréciera votre oisiveté à sa juste valeur, et Dieu sait quels sarcasmes on ne lancera pas de toutes parts pour se venger de l'indolence avec laquelle vous envisagez le bien public.
Si tout ceci ne suffit pas pour vous persuader, faudra-t-il que je vous cite un passage de l'Écriture? « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton corps. » Nous sommes dans le monde pour travailler; cela est si vrai, que sur cent personnes il y en a quatre-vingt-dix-huit qui travaillent, pour deux qui se targuent de leur inutilité; et s'il y a des hommes assez fous pour mettre leur vanité à ne rien faire et à demeurer tout un jour les bras croisés, ceux qui s'occupent sont plus heureux que les autres, parce que l'esprit veut quelque chose qui l'attache et qui le distraie; il lui faut des objets qui fixent son attention, ou l'ennui s'empare de lui et lui rend son existence autant à charge qu'insupportable. Je vous parle ici sans retenue, parce que vous êtes fait pour la vérité; vous êtes digne de l'entendre, et je vous aime trop pour vous rien déguiser. L'unique but où j'aspire est de vous rendre à la patrie, et de lui procurer en votre personne un instrument utile et dont elle pourra tirer des services. Voilà ce qui dirige ma plume, et m'engage à vous exposer tout ce que l'amour patriotique m'inspire. Le zèle pour le bien public a servi de principe à tous les bons gouvernements anciens et modernes, il a fait la base de leur grandeur et de leur prospérité; les conséquences incontestables qui en dérivent ont produit de bons citoyens et de ces