<231>ambitieux, dites-vous. Je l'approuve; mais je vous blâme, si vous êtes sans émulation, car c'est une vertu de vouloir surpasser en nobles actions ceux avec lesquels nous courons la même carrière. Un homme que sa paresse empêche d'agir est semblable à une statue de marbre ou de bronze, qui conserve à perpétuité l'attitude que le sculpteur lui a donnée. L'action nous distingue et nous élève au-dessus des végétaux, et la fainéantise nous en rapproche.
Mais allons encore plus au fait, et attaquons directement les motifs par lesquels vous pensez justifier votre inutilité et votre indifférence pour le bien public. Vous dites que vous craignez de vous rendre responsable d'une administration quelconque. En vérité, cette excuse ne saurait vous convenir; elle serait mieux placée dans la bouche d'un homme qui se défie de son peu de talents, qui sent son ineptie, ou qui craint que son peu de bonne foi ne l'expose à perdre sa réputation. Vous, qui avez de l'esprit, des connaissances et des mœurs, pouvez-vous vous exprimer ainsi? Et quel mauvais jugement le public n'en ferait-il pas, si d'aussi mauvaises défaites lui étaient connues? Vous poursuivez; vous dites que vous n'êtes maintenant comptable de votre conduite à personne. Ne l'êtes-vous pas à ce public à l'œil pénétrant duquel rien n'échappe? Il vous accusera ou de paresse ou d'insensibilité; il dira que vous rendez votre capacité inutile, que vous enfouissez vos talents, et que, indifférent pour tout le reste du monde, vous avez concentré votre attachement uniquement sur votre personne. Vous ajoutez que vous n'avez pas besoin de servir, parce que vous êtes riche. Je vous accorde que vous n'avez pas besoin de faire le métier de manœuvre pour subsister; mais c'est précisément parce que vous êtes riche que vous êtes plus obligé qu'un autre d'en témoigner votre attachement et votre reconnaissance à votre patrie, en la servant avec zèle et avec ardeur. Moins vous avez de besoins, plus vous avez de mérite : le service des uns dérive de l'indigence; les travaux des autres sont gratuits.
Vous me rebattez ensuite les oreilles de vieilles phrases usées : que le mérite est peu connu, et qu'il est encore plus rarement récompensé, qu'après avoir longtemps prodigué dans les emplois