<40>bonté et les sentiments qu'il convient à un homme d'honneur et surtout à un prince d'avoir.

Je veux que, quand il sera plus âgé, il commence à faire le service de lieutenant, pour qu'il passe tous les grades; ainsi il ne faut point lui mettre du vent dans la tête. Que les officiers qui dînent avec lui l'attaquent et l'agacent pour le rendre hardi et gai, et qu'il voie le plus de monde que se pourra. Dans ses heures de récréation, s'il a envie de voir des enfants de son âge, cela ne fera pas de mal; il est un peu taciturne, et. Il est très-nécessaire de l'éveiller; c'est pourquoi vous vous appliquerez à le rendre le plus gai que possible. Dans toutes les occasions vous aurez grande attention à lui inculquer le respect et l'amour qu'il doit à son père, à sa mère, et la déférence envers ses parents. Quand vous le connaîtrez davantage, il faudra voir quelle sera sa passion. Dieu nous garde de la détruire! mais travaillons à la modérer. Quand il est dans son particulier, qu'il ne fasse jamais des choses sans en rendre raison, à moins que ce ne soit dans ses heures de récréation. S'il est souple, soyez doux, s'il est rétif, donnez-vous toute l'autorité qu'il vous convient, punissez-le en lui ôtant l'épée, en le mettant aux arrêts, et, tant qu'il se peut, en le piquant d'honneur; jusqu'à présent il paraît fort doux, mais avec l'âge il se développera davantage.

Vous rendrez toutes les semaines compte de sa conduite au père, et à moi tous les mois. S'il y a quelque cas extraordinaire, vous pourrez toujours recourir à moi. Ne le rendez pas timide par de trop grands ménagements pour sa santé, ou par crainte que malheur n'arrive. Il faut avoir un grand soin de lui, mais il ne faut pas qu'il s'en aperçoive, cela le rendrait douillet, timide et pusillanime. Mon frère pourra régler ses heures comme il le jugera à propos, et vous pourrez prendre vos mesures là-dessus.

Cette instruction n'est bonne que jusqu'à l'âge de dix à douze ans, où il vous en faudra une autre proportionnée aux progrès de mon neveu, à son âge et aux circonstances.

Fait à Potsdam, ce 24 de septembre 1751.

(Signé)Federic.

Instruction au major Borcke.