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ESSAI SUR L'AMOUR-PROPRE ENVISAGÉ COMME PRINCIPE DE MORALEa

La vertu est le lien le plus ferme de la société et la source de la tranquillité publique : sans elle les hommes, semblables aux bêtes féroces, seraient plus sanguinaires que les lions, plus cruels et plus perfides que les tigres, ou des espèces de monstres dont il faudrait éviter la fréquentation.

Ce fut pour adoucir des mœurs aussi barbares que les législateurs promulguèrent des lois, que les sages enseignèrent la morale, et, en démontrant les avantages de la vertu, firent connaître le prix qu'il y fallait attacher.

Les sectes de philosophes, chez les nations orientales ainsi que chez les Grecs, en s'accordant en général sur le fond de la doctrine, ne différaient proprement que par les motifs que chacune d'elles adoptait pour déterminer ses disciples à mener une vie vertueuse. Les stoïciens, selon leurs principes, insistaient sur la beauté inhérente à la vertu; d'où ils concluaient qu'il fallait l'aimer pour elle-même, et plaçaient le souverain bonheur de l'homme à la posséder inaltérablement. Les platoniciens disaient que c'était approcher des dieux immortels, que c'était leur ressembler que de pratiquer les vertus à leur exemple. Les épicuriens attribuaient une volupté supérieure à l'accomplissement des devoirs moraux; leurs principes bien entendus trouvaient dans la jouissance de la vertu la plus pure le sentiment d'un délice et


a « L'amour-propre est le principe de nos vertus, et par conséquent du bonheur du monde. »Réfutation du Prince de Machiavel, t. VIII, p. 311. Voyez encore ci-dessus, p. 92 et 93.