<441>rappel du maréchal de Belle-Isle me fait craindre que Broglie ne le remplace que pour mettre le Cardinal plus à son aise de manquer à ses engagements; peut-être aussi le destine-t-on à l'exécution de quelque plan sur Luxembourg ou Dieu sait quoi.
Tout ce que je vous écris ici ne sont que des conjectures, peut-être suis-je trop soupçonneux, mais le saurait-on assez être dans le monde, et y a-t-il des précautions que l'on doive négliger lorsqu'il s'agit des plus grands intérêts de l'Europe?1 Mettez donc tous vos ressorts en œuvre pour m'éclairer dans mes soupçons, et pour me rassurer des sujets d'appréhension que me donnent le rappel du maréchal de Belle-Isle et la grande révolution de Russie.
Un article bien moins intéressant que celui-ci regarde une bagatelle, que l'on peut ajuster, je crois, avec deux coups de plume; il regarde le douaire de ma sœur de Brunswick; dans son contrat de mariage elle n'a que le douaire de princesse héréditaire, et elle souhaiterait d'avoir un bon gros revenu de duchesse, après la mort de son mari. Prenez occasion du contrat de mariage de mon frère, et tâchez d'ajuster cette affaire, sans que ma sœur y paraisse en rien.
Que-j'aie demain au matin votre réponse.
Je suis avec bien de l'estime votre affectionné ami
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
643. AU MARÉCHAL DE FRANCE COMTE DE BELLE-ISLE A PRAGUE.
Berlin, 23 décembre 1741.
Monsieur. J'ai vu, par la lettre que vous me faites le plaisir de m'écrire, les dispositions par lesquelles vous espérez de déloger M. de Neipperg de Budweis. Je ne doute point que le projet ne réussisse en perfection; mais je crois que cette opération-là et toutes certes affaires iraient à merveille, si vous restiez à la tête de l'armée française; car je ne saurais vous dissimuler que la différence que je fais entre vous et le maréchal de Broglie, est totale. Il est à présumer que votre présence peut apporter un poids très considérable dans l'affaire de l'élection, qui cependant paraît approcher de jour en jour du moment de sa maturité, pourvu néanmoins qu'on vous rende à votre poste vers l'entrée de la campagne, sans quoi l'on peut craindre avec raison que la Sazawa ne fasse le second tome de la Secchia.2
M. de Schwerin doit être à présent maître de Troppau, et, selon les ordres que je lui ai donnés, il doit avancer jusqu'à Sternberg et
1 Die Sendung Suhms unterblieb.
2 Eine Anspielung auf den Ueberfall des französischen Lagers an der Secchia durch die Oesterreicher im September 1734. Vergl. Œuvres de Frédéric le Grand, 1, 167. XIV, 160 und Jobez, La France sons Louis XV, Bd. III, Paris 1866, S. 82.