4. INSTRUCTION SECRÈTE POUR LE COLONEL DE CAMAS, ALLANT A LA COUR DE FRANCE EN QUALITÉ D'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE.

Ruppin, 11 juin 1740.

Le prétexte de votre voyage à la cour de France est de faire un compliment au Roi comme allié du défunt mon père et de lui notifier sa mort, en assurant le roi de France que je suis très porté à lui témoigner les mêmes sentiments que mon père, pourvu que mes véritables intérêts s'y puissent prêter.

J'envoie Truchsess à Hanovre. Il doittenir en échec la politique du Cardinal, et vous parlerez de Truchsess comme d'un homme que j'estime beaucoup, et qui a le secret, afin que, pour ne me point laisser échapper des mains, on me fasse de meilleures offres qu'à feu le Roi mon père. L'Angleterre me recherche, cela est sûr; on me fera des propositions avantageuses, cela est certain. Ainsi plus les Anglais <4>renchériront, et plus je vous donnerai commission de parler haut sur l'affaire de la grande succession; et il faut faire accroire aux Français que je leur fais grande grâce, si je me relâche en leur faveur sur le duché de Juliers, et que je me contente de celui de Bergue.

S'ils entrent en négociation, il faut insister sur la démolition de la forteresse de Dusseldorf et appuyer beaucoup sur ce qu'elle soit remise in statu quo de l'année 1730. Vous pouvez prouver que nous n'avons point faitdu mouvement de ce côté-là, sinon que de ces cinq escadrons que nous avons fait marcher; ce qui n'est assurément point comparable avec tous les mouvements que les Palatins se sont donnés.

S'ils vous parlent du traité secret,4-1 vous n'avez qu'à vous retrancher surl'article 4, dont voici la teneur,4-2 et qui est fécond en ressources pour se justifier, si l'on veut rompre; en un mot, il faut leur faire envisager que, si la France veut entrer en liaison avec la Prusse, il faut absolument que ce soit sur des fondements solides; que je suis dans la ferme intention de remplir scrupuleusement mes engagements, mais que je n'entrerai point enaccommodement qu'après avoir pris toutes mes sûretés; en un mot, que si l'on voulait que je fusse bon Français, il fallait me faire des conditions que je puisse raisonnablement accepter.

Pour faciliter la négociation, promettez, comme en vous relâchant, qu'on ne fortifiera jamais Dusseldorf, et qu'on ne chargera jamais le cours du Rhinde nouveaux péages, et qu'on renoncera à Juliers pour jamais.

L'augmentation qui se fera dans mes troupes, pendant votre séjour de Versailles, vous fournira l'occasion de parler de ma façon de penser vive et impétueuse; vous pouvez dire qu'il était à craindre que cette augmentation ne produisît un feu qui mît l'incendie danstoute l'Europe, que le caractère des jeunes gens était d'être entreprenant, et que les idées d'héroisme troublaient et avaient troublé dans le monde le repos d'une infinité de peuples. Vous pouvez dire que naturellement j'aime la France, mais que si l'on me négligeait à présent, ce serait peut-être pour toujours et sans retour; mais qu'au contraire, si l'on megagnait, je serais en état de rendre à la monarchie française des services plus importants que Gustave-Adolphe ne leur a jamais rendus.

Vous ferez mille amitiés et civilités au Cardinal, vous payerez paroles veloutées de paroles veloutées, et les réalités d'autres réalités.

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Approfondissez les desseins du ministère, je suis dans le sentiment que tous leurs projets sont tournés pour profiter de la mort de l'Empereur. Tâchez de pressentir si l'affaire de la succession serait capable de leur faireentreprendre une guerre, ou si vous croyez qu'ils temporiseront. Excitez, autant qu'il sera en vous, l'envie qu'ils ont contre l'Angleterre, approfondissez Maurepas et ceux que vous croyez qu'ils pourront succéder au Cardinal, et faites ce qui sera en vous pour le savoir par cœur.

Voilà, mon cher Camas, les instructionsque je vous donne. Je n'aurais pu choisir ni un plus honnête ni un plus digne homme pour la commission la plus importante qu'on eût pu donner dans les conjonctures présentes. Je me repose sur votre fidélité et sur votre habileté dans l'exécution de mes ordres, et je suis votre fidèle Roi

Federic.

Nach der Ausfertigung. Das Concept eigenhändig.



4-1 Der Haager Vertrag vom 5. April 1739.

4-2 Article 4: Comme l'importance du secret que l'on promet de continuer à observer de part et d'autre sur le présent traité, n'a pas permis de sonder encore quelles pourraient être les dispositions du sérénissime Électeur palatin sur les conditions d'un accommodement, Sa Majesté Très Chrétienne, immédiatement après la ratification du présent traité, et sans cependant en compromettrele secret, agira par toutes les voies les plus capables d'engager le sérénissime Électeur palatin a accepter le plan d'accommodement ci-dessus stipulé et à en donner son acte d'acceptation avec les renonciations réciproques en bonne et due forme.