44. AU COLONEL DE CAMAS A PARIS.
Charlottenbourg, 3 août 1740.
Mon cher Camas. J'ai lu votre lettre avec beaucoup d'attention, etj'en ai conclu qu'autant que je pouvais y comprendre, la France est résolue à se ménager Dusseldorf pour elle-même, afin d'avoir le passage du Rhin libre. Indépendamment de ce soupçon, il faut continuer à négocier, afin de nous assurer de ce que nous avons lieu de présumer.
Je vous envoie pour cet effet les deux pièces que vous souhaitez;28-1 il faut faire encore un essai touchant l'accord proposé avec la maison de Sulzbach, et faire bien valoir la dernière condition de démolir Dusseldorf, en cas qu'on l'obtienne. Si nous n'avançons point par ce moyen, il ne nous reste qu'à les amuser et à chercher parti ailleurs. Je regarde la conversation de Pecquet comme les paroles sacramentales de la négociation; l'emportement et la prévention de ce commis nous donnent le signal de leurs menées et de leurs intentions.28-2
Parlez un peu de l'Angleterre, voyez ce qu'ils diront. Voyez si la jalousie ne serait pas un ressort capable de les faire agiren notre faveur, mettez en mouvement toutes les machines de la rhétorique. La France <29>veut gagner temps que le roi d'Angleterre soit reparti d'Hanovre, pour nous amuser; il faut les frustrer de cet avantage, et les faire expliquer encore plus clair, afin que nous sachions précisement à quoi nous en tenir. Parlez de la nullité de l'article 4, auquel la France n'avait point satisfait, et serrez-leur le bouton, car il est absolument nécessaire de terminer cette négociation avant la mort du vieux bonhomme.29-1
Tâchez aussi de pénétrer ce que le ministère pense de notre augmentation, s'ils en prennent ombrage ou s'ils considèrent ce phénomène comme une chose qui ne saurait causer des scrupules au très scrupuleux Cardinal.
En un mot, mon avis est qu'après les avoir pris de toutes les manières pour réussir, et après avoir tout tenté, il faut se retirer sans bruit et sans les ombrager, et prendre parti ailleurs; mais j'avoue que si nous pouvons réussir à Versailles, cela vaudra mieux qu'à Londres.
Quand vous aurez appris quelque chose de plus positif, je vous prie de m'en avertir par courrier, car il faut que mon hémisphère se débrouille, et que dans peu nous voyions clair tout alentour de nous. Adieu, cher et digne Camas, secondez toujours mes intentions par vos soins et votre habileté, etje serai sûr de ne pouvoir remettre mes affaires en de meilleures mains. Adieu, je suis à jamais votre fidèle ami
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
28-1 „Propositiones, welche des Höchstseligen Königs Majestät dem churpfälzischen Hofe in der jülich-und bergschen Successionssache pro Ultimato zu thun befohlen,“ sowie die Abschrift des Vertrages vom 5. April 1739.
28-2 Bericht Camas, 26. Juli: „Hier, au soir, j'ai été voir M. Pecquet, premier commis pour les affaires étrangères; c'est proprement l'oracle .... Dès que je fus entré en matière, je trouvai un homme fort prévenu contre les droits de Votre Majesté touchant la succession de Juliers et de Bergue“ etc.
29-1 Der Churfürst von der Pfalz.