170. AU CONSEILLER PRIVÉ DES FINANCES DE BORCKE A VIENNE.
Berlin, 26 novembre 1740.
Votre dépêche du 16 de ce mois m'a été fidèlement remise. Je me suis bien douté qu'on commencerait à la fin à se réveiller de la fatale léthargie et sécurité à Vienne, dans laquelle on paraissait être tombé, en se berçant dans les espérances les plus frivoles, sans se mettre en peine de conjurer l'orage qui menace la maison d'Autriche de tous côtés et sans vouloir travailler à se faire des puissants amis.
En vérité, le danger presse plus que jamais, et on n'a point de temps à perdre, si on le veut prévenir. La contenance mal assurée du <112>marquis de Mirepoix112-1 ne me surprend pas, et il me semble qu'on devrait assez connaître la France à Vienne pour ne point se laisser amuser par les belles déclarations qu'elle faituniquement dans la vue de jeter de la poudre aux yeux des autres, et d'empêcher surtout qu'à l'ouverture prochaine du parlement en Angleterre on ne prenne de parti vigoureux, et qu'on ne fasse de nouvelles augmentations en Hollande, tandis que la France fait ses préparatifs en secret et à petit bruit, ayant ordonné sous main à tous les officiers d'infanterie d'augmenter de cinq hommes leurs compagnies sans qu'il y paraisse, et on fera autant de la cavalerie. La France ne se cache pas non plus envers ses confidents de vouloir procurer la couronne impériale à la cour de Bavière, et à en frustrer pour jamais le duc de Lorraine.112-2 Les trois électeurs n'agissent que par les ressorts secrets de la cour de Versailles, l'électeur de Cologne et le Palatin font faire des levées considérables, et leur plan est de faire joindre leurs troupes à celles de Bavière le printemps qui vient. La cour de Dresde fait actuellement acheter 5,000 chevaux, pour augmenter et remonter la cavalerie, et elle continue de faire dresser de gros magasins vers les frontières de la Silésie et de la Bohême. Ainsi on tâchera de fondre de tous côtés sur la maison d'Autriche, et si elle ne se dépêche pas à prévenir ceux qui recherchent les puissances qui seules sont en état et à portée de l'assister efficacement et promptement, elle pourrait trouver visage de bois.
Vous faites parfaitement bien de continuer à leur insinuer tout cela à Vienne, et cette cour est perdue sans ressource, si elle ne peut se résoudre àfaire quelque sacrifice en faveur de ceux qui sont en état de lui sauver le reste et de la faire revenir sur l'eau.
Je verrai ce que le marquis de Botta me proposera là-dessus. Vous lui avez parlé on ne saurait mieux.112-3 Si l'on croit me pouvoir payer de compliments et debelles protestations, je leur en rendrai le double et tâcherai en attendant de faire ce que mes intérêts et ma convenance demandent dans les conjonctures présentes, où l'on ferait la plus haute folie de s'exposer de gaieté de cœur, sans y trouver un profit bien réel et solide, de quoi vous pouvez continuer d'assurer sans déguisement la cour oùvous êtes.
Federic.
H. de Podewils.
Nach der Ausfertigung.
<113>112-1 „Le marquis ne sort pas de chez lui et ne tient point une contenance bien composée. Il me demanda l'autre jour s'il était vrai que Votre Majesté avait offert à la Reine de l'argent et 40,000 hommes de troupes, comme l'on s'en vantait ici.“ Auf Borcke's verneinende Antwort erwidert Mirepoix: „Je l'ai bien cru aussi que ce n'était qu'une nouvelle avanturée.“ (Bericht Borcke's 16. Nov.)
112-2 Vergl. oben Nr. 168.
112-3 „Je lui ai dit naivement qu'il faudra diretout net et sans biaiser ce que l'on est intentionné de faire, que sans cela il ne ferait que de l'eau claire. Il m'a promis de suivre ces avis, sans vouloir s'en ouvrir davantage, en y ajoutant les protestations les plus belles et les plus fortes.“ (Bericht Borcke's 16. Nov.)