433. AU MARÉCHAL DE FRANCE COMTE DE BELLE-ISLE A VERSAILLES.
Camp de Strehlen, 16 juillet 1741.
Monsieur. Nous sommes à la veille de voir éclore une grande partie des événements que je vous avais annoncés à Mollwitz, comme étant une suite de l'alliance que je ferais avec le roi de France. L'indiscrétion de la Bavière a trahi notre secret de quelques mois-trop tôt, ce qui a fait résoudre le roi d'Angleterre, par l'instigation de la Saxe, de former un camp sur l'Eichsfeld, composé d'Hanovriens, de Hessois, Danois et Saxons, le tout composant un corps de 36,000 hommes. Ce campement peut avoir trois objets en vue: ou de m'attaquer en cas que je refuse d'entrer dans leur alliance et d'accepter les conditions d'accommodement qu'ils me proposent, ce que je ne crains guère, si la <282>France veut, en remplissant ses engagements, agir en ma faveur au Rhin conjointement avec les Palatms et ceux de Cologne. Son second objet peut être d'attaquer l'électeur de Bavière ou de faire passer ce corps au secours des Autrichiens par la Saxe et la Bohême, ce qui n'est point à craindre, puisque, dans ce cas, je pourrais entrer dans leur pays et leur prendre jusqu'à leurs trésors d'Hanovre. Leur troisième dessein pourrait être d'opposer une annéeaux Français du côté de la Moselle, ce qui, je pense, ne vous arrêtera pas. De ces trois desseins celui de m'attaquer me paraît le plus raisonnable.
Vous concevrez donc, sans que j'appuie davantage là-dessus, la nécessité qu'il y a de vous hâter de remplir vos engagements. Il nes'agit pas ici de voir tranquillement battre une flotte espagnole ou anglaise, mais il s'agit de secourir les fidèles alliés ou de n'en avoir jamais. La France peut frapper à présent le plus grand coup qu'elle ait donné de sa vie; au lieu de ramper à sa puissance, elle y arrivera à pas d'Homère, et vous avez devant vous la plus belle moisson de lauriers que jamais général en France ait pu faire. Les événements ont assez bien justifié mes conjectures; vous verrez par la suite que je me ne trompe non plus à present. Peut-être me trouvez-vous importun, si c'est l'être que de vous presser de faire ce que jamais la France a pu imaginer de plus grand et de plus glorieux. Je suis etc.
Federic.
Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.