<134> peut-être M. de Saint-Contest accuse juste en présumant qu'effectivement le ministère anglais ne voudrait pas engager l'Angleterre dans une guerre pour un objet de si peu d'importance, ni _qu'il veuille charger la nation des subsides exorbitants que la Russie demande. Mais, quand on réfléchit sur le malin vouloir du roi d'Angleterre, qui ne cherche qu'à engager son ministère anglais d'entrer dans ses vues et qui, toujours prêt à sacrifier les intérêts d'Angleterre à ceux de ses possessions en Allemagne, voudrait éloigner l'accommodement par rapport aux prises, tant qu'il pourra : quand d'ailleurs on considère les grands mouvements que le comte de Colloredo s'est donnés auprès des ministres anglais pour les disposer à donner des subsides à la Russie, vu que sa cour n'aimerait mieux que de pouvoir engager les affaires contre moi, pour pêcher en eau trouble : quand on y combine encore la rage du grand-chancelier de Russie contre tout ce qui porte le nom de France et de Prusse — l'on n'en saurait conclure de tout ceci, sinon qu'il conviendrait à tous égards, pour rompre tout pernicieux dessein, que la France songeât plus sérieusement que jamais aux moyens d'aplanir, le plus tôt le mieux, mes différends avec l'Angleterre, avant que les choses s'embrouillent de manière qu'on ne saurait plus les démêler que très difficilement. Vous ne laisserez pas de faire entrevoir toutes ces considérations à M. de Saint-Contest et me faire votre rapport de la manière qu'il a pensé là-dessus.

Au surplus, il n'est point encore entré de nouvelles troupes de Russie en Livonie,1 bien qu'on en a fait avancer des provinces intérieures de Russie aux frontières de Livonie, mais il n'est pas à douter que, dès qu'on aura donné des subsides à la Russie, elle y pourra assembler un corps de ses troupes au nombre de 60 jusqu'à 70,000 hommes. D'ailleurs, je suis assez informé que le premier plan constaté entre la Russie et la cour de Vienne a été que les troupes russes entreraient, d'abord et sans me faire aucune déclaration préalable, en Prusse, et qu'en même temps un corps de troupes autrichiennes se joindrait par la Saxe avec des troupes saxonnes et hanovriennes pour m'assaillir de tous les côtés. Comme il paraît qu'on a actuellement changé dans ce plan, je ne manquerai pas de faire avertir la France de tout ce qui m'en reviendra. En attendant, je resterai bien tranquille sur tout ceci et n'inquiéterai point la France, avant qu'il ne soit d'une nécessité absolue de réclamer son secours :

Pour ce qui regarde le Danemark, le prince Ferdinand de Brunswick est arrivé à Copenhague et a été assez heureux de désabuser le Roi de plusieurs sottes et ridicules impressions que le parti anglais et autrichien lui avait faites sur mon sujet; car on lui avait fait accroire que je ne cherchais qu'à le mater, que j'avais conçu le projet d'établir une marine au préjudice de celle de Danemark, et plusieurs autres insinuations aussi



1 Vergl. S. 126.