6129. AU CONSEILLER DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.
[Potsdam], 8 decembre 1753.
Quoique j'aie tout lieu d'être fort satisfait du zèle et de l'application que milord Maréchal emploie dans tout ce qui regarde mon service et les affaires importantes dont il est chargé, de sorte qu'il ne me reste rien à désirer là-dessus, néanmoins, comme j'ai été accoutumé autrefois d'avoir régulièrement des nouvelles de ce qui se passait à la cour de France et ailleurs là-bas, des anecdotes et des particularités, moins importantes à la vérité que ce qu'on dit les grandes affaires, mais qui ne laissaient pas d'intéresser ma curiosité et de m'être utiles, je vous fais cette lettre pour vous ordonner que vous devez vous appliquer à vous bien instruire sur de pareilles choses et m'en faire, le plus souvent que vous pourrez, votre rapport immédiatement et à moi seul, en vous servant, pour le secret, du chiffre immédiat dont milord Maréchal se sert avec moi.
C'est donc en conséquence que vous commencerez à me faire en détail le caractère de M. de Saint-Contest. Puis, vous me marquerez ce qui se passe présentement dans l'affaire qui regarde les démêlés entre la France et l'Angleterre par rapport aux prises maritimes qui ont été faites à l'occasion de la dernière guerre. De plus, si l'Espagne commence à se rapprocher à la France par rapport à leurs intérêts communs et à cette étroite intelligence qui régnait autrefois entre elles, ou si le refroidissement continue; si la cour de Turin revire vers la France; ce qui se traite avec les Hollandais; les caractères des ministres des cours étrangères et quels sont leurs partisans, et combien ils sont goûtés à la cour; tous les arrangements militaires qui se font de temps en temps en France, tant par rapport à ses forces terrestres que maritimes; les personnes les mieux écoutées du Roi; si la favorite penche du côté de l'Angleterre ou du côté du parti lorrain; s'il y a des intrigues à ce sujet, et qui sont ceux qui ont principalement sa confiance; enfin, toutes autres pareilles anecdotes et faits intéressants qui peuvent mériter ma curiosité, dont vous me marquerez les détails, au sujet desquels vous vous modèlerez sur les rapports que feu baron Le Chambrier me fit régulièrement par rapport à ce qui se passait là-bas, et dont apparemment vous trouverez les minutes entre les papiers qu'il a laissés.
Tout ceci servira non seulement à me tenir en une certaine connexion des choses qui se passent en France, mais encore à vous former et vous routiner dans les affaires, afin que vous puissiez remplir dignement un jour les postes auxquels je vous destine; c'est pourquoi vous vous appliquerez soigneusement, afin de pouvoir me faire ces rapports d'une manière détaillée et judicieuse, ce que vous ferez cependant sous les yeux et la direction de milord Maréchal, que vous ne laisserez de consulter en ceci et de vous former par là sous ses yeux aux grandes