<222> la fermentation qui règne actuellement entre les deux partis, j'ai cru nécessaire de vous faire communiquer ce rapport in extenso en forme de post-scriptum chiffré d'un de vos chiffres dont vous ne vous servez plus pour la correspondance. Je laisse à votre discrétion si vous jugez convenable de faire part à M. de Broglie de ces avis-là.

Federic.

De Varsovie, 12 janvier 1754.

On travaille plus que jamais à l'union des deux partis opposés de ce royaume, et l'on ne discontinue pas de tendre toutes sortes de pièges à celui des Potocki, pour l'attirer dans les intérêts de la cour, Le palatin de Belcz et celui de Smolensko1 reçoivent les lettres les plus flatteuses du comte de Brühl, qui ne cesse pas de cajoler tout le reste des Potocki. La méfiance qu'on veut leur inspirer à toute force contre Votre Majesté, n'est pas un des moindres remèdes qu'on emploie pour cet effet, par l'instigation des Anglais et des Saxons, à chaque occasion. Ceux du bon parti résistent encore assez bien, mais, comme ils ont affaire à des adversaires extrêmement fins et déliés, qui outre cela travaillent infiniment mieux, avec beaucoup plus d'ordre et bien plus assidûment, dans les conférences qu'ils tiennent le plus souvent qu'il leur est possible, il est toujours plus difficile aux bons patriotes de se maintenir, principalement si les autres viennent à recourir à quelque moyen violent; le secours d'argent et de troupes que les bien intentionnés attendent en pareil cas de leurs alliés, est l'unique espérance qui les fait encore agir.

Il paraît qu'on doit certainement s'attendre à quelque coup d'éclat à la Diète prochaine. Le parti de la cour témoigne même vouloir prendre de telles mesures qu'elles ne seront plus traversées, comme elles l'ont été à la dernière diète de Grodno.2 On emploie promesses et menaces, et le général Mokranowski vient d'être averti encore une fois de la part de la cour de Saxe que, s'il continuait à tenir le parti de la Prusse et celui de la France, en inspirant au Grand - Général de l'armée de la Couronne3 tant d'aliénation pour les intérêts du roi de Pologne et de ses alliés, on serait obligé de lui retrancher sa pension de chambellan. Celui-ci a répondu en bon citoyen que, n'étant voue à aucune cour étrangère, il ne tenait que le parti des bien intentionnés et qu'il ne laisserait jamais d'agir conformément aux intérêts de toute la République et pour la conservation de sa liberté; que, comme les plus grands avantages qu'on pourrait lui offrir, ne le feraient jamais changer à cet égard, il ne cesserait pas d'entretenir le Grand-Général de l'armée dans les bonnes intentions où il était que rien ne se fît jamais au préjudice des privilèges de la nation. On recommence depuis à filer doux, et il n'y a pas lieu de douter qu'on n'emploie le vert et le sec pour réussir.




1 Vergl. Bd. IX, 159. 292. 294.

2 Vergl. Bd. IX, 260.

3 Branicki.