<355>ment jusqu'à 70 où 80,000 hommes, pour être d'autant plus sûre de son fait. Qu'il fallut songer en Angleterre que le seul moyen de contrebalancer la puissance exorbitante de la France et de ses alliés, était de disposer, moyennant des subsides satisfaisantes, des forces de Russie, et que d'ailleurs l'Angleterre devrait considérer combien il lui serait avantageux d'avoir les forces de Russie à sa disposition, si, à la suite du temps, le cas de la mort du roi de Pologne arrive, — perspective fâcheuse au sujet de laquelle les cours de Vienne et de Londres avaient déjà fait souvent des représentations à celle de Russie, — et qu'alors celle-ci serait à même d'agir d'abord efficacement, sans que les alliés seraient obligés d'acheter la Russie par de nouvelles sommes.
Qu'au reste, si l'Angleterre ne voulait point acquiescer aux demandes présentes de la Russie, l'on ne saurait plus que faire pour elle, et qu'elle n'aurait qu'à attribuer à son esprit d'épargne et à son principe établi de ne pas du tout donner des subsides en temps de paix, ou du moins de très modiques, si elle est obligée de voir augmenter la grande influence dans toutes les affaires que la France s'était acquise pour son argent, qui, bien éloignée de pratiquer le faux principe de l'Angleterre, n'épargnait ni soins ni argent pour s'allier des puissances dont elle ne demandait outre que de rester tranquillement en paix et ne pas prendre des engagements contraires. Qu'à cet égard lui, le Chancelier, voudrait bien avouer que, s'il arrivait jamais qu'une pareille proposition se ferait en Russie — ce qu'il tâcherait cependant d'éloigner toujours soigneusement — rien n'était plus vrai qu'elle serait écoutée très favorablement tant de l'Impératrice, par sa façon ordinaire de penser et son inclination naturelle pour la paix et le repos, que par la plus grande partie de la nation même. Qu'au reste le Chancelier a fait apercevoir, quoique comme de son propre chef et d'une manière indirecte, que, bien que les 200,000 livres sterling pour l'attente étaient le seul appât auquel l'Impératrice saurait mordre, pour être menée au gré de ses alliés, il y aurait cependant moyen encore d'adoucir cet article, si l'Angleterre s'avisait d'accepter et de ratifier le contre-projet tel qu'il était couché, mais qu'elle stipulerait par un article secret qu'elle se contenterait qu'il ne fût entretenu que le nombre de 40,000 hommes en Livonie, et qu'il dépendrait de la Russie de mettre le reste des troupes dans les autres provinces de Russie, voisines à la Livonie, mais toujours à portée, afin de soulager par là la cour de Russie des grands frais qu'elle était obligée de faire pour l'entretien de ce grand nombre de troupes tout assemblées dans la Livonie. Qu'à cette condition-là, le Chancelier croyait de pouvoir disposer sa souveraine qu'elle se contenterait d'un subside pour l'attente de 150,000 livres sterling.
Tous ces propos du Chancelier, étant rapportés au sieur Guy Dickens, n'ont été point goûtés par lui, qui au contraire y a répondu sèchement qu'il ne lui restait que d'envoyer simplement à sa cour le contre-projet avec le mémoire qu'on lui avait remis, et de la laisser