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6558. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Potsdam, 17 décembre 1754.

J'ai reçu la dépêche que vous m'avez faite du 6 de ce mois, qui m'a donné bien dé la satisfaction à tous égards. Comme le crédit du prince de Conty va en augmentant sur l'esprit du Roi,1 je crois convenir que vous tâchiez de trouver les occasions pour le voir de temps en temps, pour faire connaissance avec lui et pour l'entretenir de choses indifférentes, afin de voir si vous pouvez adroitement gagner sa confiance. Par les circonstances que vous me marquez à ce sujet, je crois avoir lieu de présumer que ce Prince pourrait bien insensiblement arriver à la fonction de premier ministre, et, quoique je ne sois pas exactement instruit des sentiments qu'il porte à mon égard, j'avoue cependant, bien qu'entre vous et moi et sous le sceau du dernier secret, qu'un premier ministre en France tel qu'il puisse être, m'accommoderait toujours, pourvu qu'on sache traiter solidement des affaires avec lui.

J'ai appris avec beaucoup de plaisir que le comte de Broglie ne sera point rappelé de la cour de Saxe, et la réflexion que M. de Rouillé vous a faite sur ce sujet, est des mieux pensées.2

Au surplus, je veux bien vous communiquer une nouvelle bien singulière que je viens d'apprendre par mes lettres de Copenhague. C'est qu'un homme considérable est arrivé là depuis quelques semaines de l'Amérique qui s'est tenu extrêmement réservé et qui n'a voulu se découvrir qu'au Roi lui-même. Cet homme se trouve toujours mystérieusement caché là, et, à ce qu'on me marque, la circonstance des arrangements que la cour de Danemark est sur le point de prendre pour continuer le commerce de l'Amérique, lui sert pour voiler la véritable cause de son arrivée. Cependant, après des perquisitions exactes que mon ministre à la susdite cour a faites sur ce personnage, on lui a appris, de bonne part et sous le sceau du secret, que son nom véritable était Ignation de Campo Santo, qu'il était Espagnol né au Pérou, qu'il était un des principaux de ce pays et un des mécontents du gouvernement espagnol, dont le nombre doit être très considérable, tellement qu'ils sont sur le point de se révolter, et qu'il était question de déclarer un roi au mois de mars prochain. Sur les connaissances qu'ils avaient de la mésintelligence qui subsiste entre l'Espagne et le Danemark,3 cet Espagnol s'était rendu à Copenhague pour solliciter du se-



1 Vergl. S. 411. 475.

2 Knyphausen hatte erfahren, dass man dem Grafen Broglie freigestellt habe, den ihm bewilligten Urlaub, der den ersten Schritt zu seiner Abberufung bedeuten sollte (vergl. S. 443. 458), anzutreten oder zu bleiben. „Le sieur Rouillé, que j'ai sondé là-dessus, m'a répondu qu'il y avait apparence que cet ambassadeur ne demanderait point à revenir dans ce moment-ci, où sa présence était absolument nécessaire pour cultiver les bonnes dispositions dans lesquelles Sa Majesté Polonaise paraissait se trouver.“

3 Vergl. S. 112.