Stockholm où il a fait dans le discours qu'il y a tenu à sa réception, un éloge si outré des Suédois et de leur pays qu'il peut dorénavant être assuré de l'approbation de la nation, n'y en ayant au monde qui reçoive aussi avidement les louanges, quelque peu mesurées qu'elles puissent être. Je suis entré dans tout ce détail pour faire connaître à Votre Majesté l'homme dont il est question. La Reine m'a dit lui avoir fait parler sur les affaires de ce pays-ci, sur l'intérêt que la France avait d'être plutôt liée avec le Roi qu'avec un parti de la nation, ainsi que sur la conduite de l'Ambassadeur. Que le sieur Dangeuil était parfaitement entré dans le sentiment de celui qui lui avait parlé, et avait fort désapprouvé la conduite du marquis d'Havrincourt. Qu'il avait même fait sentir en quelque manière qu'il pourrait faire des insinuations à ce sujet à la cour de France, en demandant à celui qui lui avait parlé, quelle sûreté il aurait d'être cru et avoué de ce qu'il disait, et que celui-ci lui avait répondu qu'il jugeait bien qu'il ne lui parlerait pas, comme il faisait, s'il n'avait pas des ordres pour cela. A quoi le sieur Dangeuil a répliqué que cela lui suffisait. La Reine me dit qu'il faudrait voir encore combien on pourrait se fier à lui, et que son avis serait que si on le trouvait tel qu'il fallait pour cette affaire, qu'il faudrait alors que Votre Majesté fît déclarer par Son ministre à la cour de France qu'on pouvait ajouter foi à tout ce que 1e sieur Dangeuil dirait sur les affaires de ce pays-ci. La Reine m'a enjoint de ne point écrire encore sur tout ceci à Votre Majesté, mais d'attendre qu'elle eût fait parler de nouveau au sieur Dangeuil. Votre Majesté voudra donc bien ne faire mention aucune dans Ses lettres de ce que je Lui rapporte aujourd'hui. En attendant, j'ai dit tout uniment à la Reine ce que je pensais sur le sieur Dangeuil; que je ne pensais lui faire aucun tort, surtout ne l'ayant pu connaître qu'autant que je l'avais vu dans le public, mais que je remarquais assez d'étourderie dans ses manières, qui étaient moins celles d'un homme posé et qui s'appliquait à des matières importantes et profondes, que celles d'un homme qui se | homme de néant, aventurier, sans credit et sans aveu; que la France sifflerait s'il s'arrogeait jamais de se mêler de pareilles choses, sans que jamais tel ministre étranger à la cour de France saurait le soutenir ni l'appuyer. Remontrez, d'ailleurs, à ma sœur combien cette cour serait indignée, si l'on procédait d'une manière aussi peu décente envers elle, et que ce serait même contre la dignité de ma sœur de s'ouvrir à un tel petit bourgeois, léger d'esprit, et qui peut-être la trahirait aussi facilement qu'il paraît vouloir lui rendre service. Pour ce qui regarde l'entretien que vous avez eu avec le marquis d'Havrincourt, j'en suis bien aise de ce que vous vous êtes expliqué avec lui. Je ne vois que trop que le rôle que vous aurez à jouer, vous deviendra plus difficile, plus les affaires de ce pays-là s'embrouilleront, mais il faut bien que vous le souteniez et que vous y agissiez avec toute la prudence humainement possible. J'espère que la lettre à ma sœur que je vous ai adressée l'ordinaire dernier sous un simple couvert,1 vous aura été fidèlement rendue et que vous l'aurez remise à sa destination. Au reste, songez à remédier un peu aux amples dépêches que vous m'avez faites jusqu'à présent, de sorte que vous les fassiez moins détaillées, quand il ne s'agit pas des négociations ou d'autres affaires |
1 Das Schreiben liegt nicht vor. Vergl. S. 479 Anm. 3.