5950. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE HÆSELER A COPENHAGUE.
Potsdam, 7 juillet 1753.
De la manière que le baron de Bernstorff se prend dans le maniement des affaires en conséquence de ce que vous m'en marquez à la date du 30 dernier, il ne saura manquer qu'il mettra sa cour dans les plus grands embarras, dont à la suite elle aura bien de la peine à se tirer.
Quant à vous, il conviendra que vous profitiez de ses fautes, de manière que vous tâchiez adroitement et sans que vous paraissiez en aucune façon, de charger ce ministre de tout l'odieux et de faire inspirer adroitement aux gens d'affaires, et même, si cela se peut, au public, que tous ces désastres arrivés depuis peu au Danemark n'étaient qu'une suite du peu de ménagement que le ministre Bernstorff avait pour des puissances des plus respectables, et de la façon étrange dont il maniait les affaires du Danemark, qu'il embrouillait à tous égards en se souciant peu des suites qui en arriveraient au grand préjudice du royaume. Qu'il n'était aussi pas à espérer que ces désordres cesseraient, tandis que les affaires resteraient en mains d'un homme né hors du pays, qui n'avait en vue que d'assouvir son orgueil et son ambition et auquel d'ailleurs les vrais intérêts du royaume étaient assez indifférents. Qu'aussi le pays ne serait jamais heureux, avant que la direction des affaires ne fût remise à une personne sage et éclairée des familles distinguées de la nation qui prenne véritablement à cœur son bonheur et les vrais intérêts du Roi.
Je laisse à votre dextérité de faire un bon usage de tout ce que dessus, de la façon que vous la trouverez la plus convenable, sans que vous vous exposiez. Au surplus, vous déchiffrerez vous même le postscriptum que je fais joindre à la suite de cette lettre.
Federic.
P. S.
C'est dans la dernière confidence et sous le sceau du plus grand secret, dont vous me répondrez de votre honneur, que je veux bien vous dire qu'au retour du prince François de Brunswick1 j'ai appris que tout ce qu'on [a] débité sur les offres qu'on lui avait faites pour entrer dans le service du Danemark, était absolument controuvé et qu'il n'en avait été jamais question. Que le Roi s'était expliqué assez confidemment envers lui sur l'état des affaires de sa cour, que c'était un prince très bon, plein de sentiment et assez éclairé sur ses affaires, qu'il voyait très bien que ses affaires n'étaient bien maniées par ses ministres, mais qu'il ne savait comment y remédier; qu'il comptait Bernstorff pour un fougueux, Berckentin pour un homme prévenu au
1 Prinz Franz von Braunschweig traf am 2. Juli in Potsdam ein und begab sich am 5. zu seinem Regimente nach Königsberg in der Neumark.