5958. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A COMPIÈGNE.
Potsdam, 13 [juillet 1753].
Enfin mon cher Milord, je me crois sorti d'affaire avec le poète14-1 et sa nièce qui, comme vous le dites, pourrait bien être une aimable carogne aussi malicieuse que monsieur son oncle. Ces gens ont joué des tours pendables à mon résident Freytag à Francfort-au-Main, et ce dernier rend grâces au Ciel d'en être délivré. Le poète a demandé à la reine de Hongrie d'entrer à son service; celle-là lui a fait répondre ingénieusement que Voltaire n'avait de place que sur le Parnasse, et comme il n'y en avait pas à Vienne, on ne pourrait l'y recevoir convenablement. Sur quoi, le poète s'est adressé au Roi mon oncle, en lui demandant une pension de 800 livres sterling par an; c'était demander sa maîtresse à un héros de roman. Le roi d'Angleterre a fait une mine affreuse à cette proposition et a juré de ne jamais lire les vers d'un poète qui voulait ruiner l'Angleterre. On dit que sur cela Voltaire avait écrit en France pour y négocier son retour, mais que d'Argenson la Guerre14-2 lui avait écrit qu'il ferait bien de ne pas remettre le pied dans le royaume. Quant à cette dernière circonstance, vous pouvez en être mieux informé que nous le sommes ici, et je vous la mande sous le nombre des on dit.
<15>Adieu, mon cher Milord; votre frère a eu une petite attaque d'asthme qui est presque passée. Je vous embrasse mille fois.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig. In dorso von der Hand des Empfängers: „Du Roy 13 juillet 1753.“
14-1 Vergl. Bd. IX, 460.
14-2 Der Kriegsminister Graf d'Argenson, im Unterschied von seinem Bruder dem Marquis d'Argenson.