5972. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A COMPIÈGNE.
Potsdam, 24 juillet 1753.
Comme un effet d'hasard a fait tomber entre mes mains des dépêches assez importantes et secrètes23-1 au sujet de la commission dont le ministre anglais à la cour de Russie, le sieur Guy Dickens, est actuellement chargé, pour négocier contre un subside à payer un corps de troupes russiennes pour être prêt à marcher sur la réquisition de la cour d'Angleterre, en cas d'attaque de ma part, j'ai trouvé bon de vous tout communiquer à la suite de cette dépêche par l'exprès qui vous la rendra. J'ai fait mettre ces avis sur une feuille séparée ci-jointe qui a été chiffrée avec votre chiffre immédiat de l'année 1751 dont vous ne vous servez plus à présent, et mon intention est qu'après que vous aurez fait déchiffrer cette feuille par quelque main confidente, vous ne devez pas encore en faire communication à M. de Contest, mais la garder soigneusement sous votre clef, jusqu'à ce que je vous enverrai un nouvel ordre de la communiquer à ce ministre. Ce que vous ferez, alors, dans quelque entretien secret que vous lui demanderez, en lui laissant lire d'un bout à l'autre ce que cette feuille contient.
Au surplus, vous me garderez, en attendant mon nouvel ordre à ce sujet, le secret le plus absolu là-dessus et n'en ferez mention dans aucune de vos dépêches, sinon dans celles que vous m'adressez immédiatement. Je serais bien aise cependant de savoir votre sentiment si vous croyez que le ministère anglais saurait bien goûter les propositions que les ministres russiens lui ont faites, et si les ministres anglais oseront charger la nation, sans aucune nécessité pressante et sur des raisons frivoles, d'un subside aussi fort que la Russie demande.
Federic.
<24>La commission dont le sieur Guy Dickens est chargé de négocier contre un subside à payer un corps de troupes russiennes, prêt à marcher sur la réquisition de la cour d'Angleterre en cas d'attaque de la part du roi de Prusse, était si avancée au commencement du mois dernier de juin qu'il ne s'était agi actuellement que de faire signer à l'Impératrice les propositions mises en avant par ses ministres et déjà préalablement approuvées de cette Princesse touchant la manière et les conditions sous lesquelles la cour de Russie s'engagerait à tenir en Livonie et près de la Mer Baltique un corps de troupes prêt à marcher pour le service de l'Angleterre, ensuite de quoi il ne resterait aux chanceliers que de livrer au sieur Guy Dickens par écrit une réponse complète et satisfaisante sur le mémoire qu'il leur avait remis à ce sujet; mais que les dissipations fréquentes de l'impératrice de Russie avaient empêché alors de mettre cela à exécution, et, bien que cette Princesse eût ordonné à ses ministres de la suivre à Troiza, elle en était retournée à Moscou avec ses ministres dans sa suite, sans que ceux-ci avaient pu lui parler d'affaires. Ce qu'il y avait eu de surprenant dans la conduite de ces ministres, c'avait été que — nonobstant que cette négociation était si peu parvenue encore à sa consistance ils ne s'étaient pas même ouverts encore d'une manière détaillée au ministre anglais sur les demandes qu'on ferait, lesquelles n'étaient par conséquent ni connues ni agréées du roi d'Angleterre, — néanmoins les susdits ministres avaient fait déjà des arrangements militaires, comme si l'affaire était entièrement parvenue à sa maturité, apparemment pour suppléer par cette activité à la longueur de la négociation. Que la disposition était que cinq régiments d'infanterie avec autant de régiments de dragons dont les quartiers étaient les plus proches de la Livonie, entreraient au premier ordre dans cette province, tandis que d'autres régiments plus éloignés de la frontière occuperaient immédiatement après les quartiers que ceux-là viendraient de quitter, et que les Cosaques avaient aussi charge d'avancer et de se mettre plus à portée; qu'en même temps on avait expédié des ordres à Pétersbourg pour mettre incessamment les galères qui s'y trouvent, en état de pouvoir mettre à la voile au premier ordre; qu'au cas que l'Angleterre agréerait les conditions qu'on lui demanderait, l'intention des ministres était d'assembler en Livonie et à la Mer Baltique jusqu'à 70,000 hommes de ses meilleures troupes dont cinquante-six seraient donnés à l'Angleterre pour le compte des subsides, et que, quand la réquisition se serait faite, on ferait, pour remplir ses engagements antérieurs avec cette couronne, marcher effectivement jusqu'à 70,000 hommes, afin de pouvoir agir d'abord avec vigueur et force en cas d'évènement; que d'ailleurs on avait résolu, pour avoir une bonne réserve, de lever sans délai 60,000 recrues; qu'au surplus la Russie demandait à l'Angleterre que, le cas de la réquisition des troupes existant, celle-ci lui paierait trois millions d'écus de Hollande et un million pour tenir prêtes, en attendant, les troupes; mais qu'en<25> revanche, aussi, on se contenterait, au cas que les mesures vigoureuses qu'on prendrait, dussent rétablir la tranquillité peu de temps après la réquisition faite, de ne toucher ces subsides que jusqu'au temps que le corps des troupes russiennes aurait regagné ses frontières.
Que le sieur Gross25-1 avait sondé la cour de Saxe sur la conduite qu'elle comptait de tenir dans le cas que la Prusse, en conséquence de ses démêlés avec l'Angleterre par rapport aux prises maritimes et l'arrêt mis sur les dettes de Silésie, en vînt aux voies de fait contre la maison d'Hanovre, et que les ministres de Russie faisaient des instances à ceux des cours de Vienne et de Dresde de faire goûter à celle de Londres ces propositions, pour le bien, à ce qu'ils disent, de toute l'Europe, en tant qu'elle n'était française et prussienne.
Qu'au reste l'impératrice de Russie ayant fait assembler un grand conseil pour lui proposer simplement, et sans entrer dans aucun autre détail, la question s'il était de l'intérêt de la Russie de voir d'un œil indifférent quelque nouvel agrandissement de la maison de Brandebourg et de conniver à ce qu'elle en usât peut-être avec l'Hanovre de la même façon dont elle en avait agi ci-devant avec la Saxe, sur quoi les voix avaient été pour la négative, et que toute l'assemblée avait voté au gré du Chancelier, aussi la levée des 60,000 recrues avait été conclue en conséquence.
Nach dem Concept.
23-1 Vergl. S. 22 Anm. 1.
25-1 Der Schluss nach dem Bericht Plesmann's, Dresden 17. Juli, über den Inhalt eines Postscripts zu dem Berichte von Funcke an Brühl, d. d. Moskau 7. Juni. Vergl. S. 22 Anm. 1.