Projet de Convention.
D'autant que l'amitié sincère et intime qui unit Sa Majesté Britannique et Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, aussi bien que les engagements qu'elles ont contractés par le traité d'alliance défensive de l'année 1742, les obligent en tout temps de veiller à la tranquillité publique et à leur sûreté réciproque; et que dans la conjoncture présente des affaires la conservation de la paix générale et la défense de leurs États, droits et sujets respectifs leur ont paru exiger nécessairement qu'elles se garantissent contre les attaques dont elles pourraient être menacées de la part de quelque puissance que ce soit, en s'assurant d'un corps de troupes capable de faire une puissante diversion en cas de telles attaques; et, comme vu la situation présente les contingents des secours stipulés par le traité susmentionné ne rempliraient point tous les objets susdits, Sa Majesté Britannique et Sa Majesté Impériale de toutes les Russies ont jugé convenable de concerter d'avance les mesures ultérieures de prévoyance que la tranquillité générale et leurs intérêts et sûreté commune paraissent demander, et pour cet effet ont autorisé le sieur … p. p., lesquels sont convenus des articles suivants.
<193>Art. 1. Les hautes parties contractantes renouvellent expressément par cette convention le traité d'alliance défensive conclu entre elles le 11 décembre 1742 à Moscou193-1 dans tous ses articles et confirment les stipulations des secours à donner réciproquement, comme elles sont contenues dans l'article 4 dudit traité, lesquels secours seront fournis de part et d'autre de la manière et aux conditions y énoncées.
Art. 2. Comme il est porté par l'article 17 de l'alliance susmentionné « que, si les secours y stipulés ne suffisent point, alors les parties contractantes conviendront, sans différer, des secours ultérieurs qu'elles devront se donner, » et comme cela n'atteindrait pas les buts proposés, et qu'il pourrait arriver des cas qui ne leur laisseraient pas le temps de convenir là-dessus, afin d'obvier aux inconvénients qui résulteraient nécessairement d'un pareil délai, elles se sont accordées à fixer dès à présent à tout évènement les moyens de leur défense. Dans cette vue, Sa Majesté Impériale de toutes les Russies a non seulement fait marcher vers les frontières de la Livonie attenantes à la Lithuanie, mais s'engage aussi d'y tenir, tant que cette convention durera, aussi près de ces frontières que les quartiers pourront le permettre, un corps de ses troupes montant à 55,000 hommes, c'est-à-dire 40,000 hommes d'infanterie de ses troupes réglées, munis de l'artillerie nécessaire, et 15,000 hommes de cavalerie, composés de trois régiments de cuirassiers, de 20 compagnies de grenadiers à cheval, de deux régiments de hussards et le reste de troupes légères, savoir de Cosaques et de Kalmouks, chacun à deux chevaux, autant qu'il faudra pour rendre complets ces 15,000 hommes de cavalerie, de sorte que le tout, infanterie et cavalerie, formera un corps complet de 55,000 hommes.
Art. 3. Sa Majesté Impériale s'engage, en outre, de faire tenir prêtes durant le temps marqué ci-dessus sur les côtes de la province susmentionnée 40 à 50 galères avec l'équipage requis, en état d'agir au premier ordre.
Art. 4. Le corps de troupes et les galères mentionnées dans les deux articles précédents ne devront être mis en activité que dans le cas où Sa Majesté Britannique ou aucun de ses alliés serait attaqué. Dans ce cas-là, le général commandant en chef ledit corps, qui pour cet effet sera muni d'avance des ordres de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, se mettra en mouvement, dès qu'il recevra la réquisition de la part de Sa Majesté Britannique, et fera, le plus tôt qu'il sera possible, une diversion avec un corps de 30,000 hommes d'infanterie, pourvu de l'artillerie nécessaire, et avec tous les 15,000 hommes de cavalerie susmentionnés, et embarquera en même temps les autres 10,000 hommes d'infanterie sur les 40 à 50 galères, pour faire une descente suivant 1'exigence du cas et l'utilité du service.
Art. 5. En cas que les États de Sa Majesté Britannique en Alle<194>magne soient envahis pour les intérêts ou les démêlés qui regardent ses royaumes, Sa Majesté Impériale déclare qu'elle considèrera une telle invasion comme un cas de l'alliance susdite de 1742, et que lesdits États y seront compris à cet égard.
Art. 6. En considération d'une augmentation si importante du secours stipulé par le traité d'alliance défensive mentionné ci-dessus, Sa Majesté Britannique promet et s'engage de faire payer à Sa Majesté Impériale de toutes les Russies la somme de 300,000 livres sterling par an, à compter du jour que le corps de ses troupes aura passé les frontières de ses États en conséquence de la réquisition faite par Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne. Cette somme sera payée à Riga et toujours quatre mois en avance par le commissaire que Sa Majesté Britannique tiendra auprès du corps auxiliaire, comme sera dit ci-après, et le premier payement s'en fera le jour que ce corps sortira des États de Sa Majesté Impériale.
Art. 7. De plus, en considération de l'utilité que les intérêts de Sa Majesté Britannique et le service commun pourront retirer du corps de cavalerie irrégulière et des galères dont Sa Majesté Impériale renforce ce secours, Sa Majesté Britannique consent de lui faire payer, outre ce qui est accordé dans l'article précédent, une somme annuelle de 50,000 livres sterling, à compter du même jour que ci-dessus et payable de la même manière. #Art. 8. Comme Sa Majesté Impériale de toutes les Russies est particulièrement intéressée à la conservation de la tranquillité du Nord et à ce qu'il n'arrive point d'innovation dans le voisinage de ses États, vu aussi la proximité des pays où la diversion dont il s'agit doit probablement se faire, et la facilité que ses troupes auront de subsister d'abord en pays ennemi, elle se charge seule, pendant une telle diversion, de la subsistance et du traitement desdites troupes par mer et par terre, comme aussi des détails qui y appartiennent.
Art. 9. Sa Majesté Impériale s'engage à continuer la diversion à faire et de ne point rappeler ses troupes, quand même elle serait attaquée par quelque autre puissance. De l'autre côté, Sa Majesté Britannique promet qu'en cas que Sa Majesté Impériale soit troublée dans ladite diversion ou qu'elle soit attaquée elle-même, Sa Majesté Britannique lui fournira d'abord le secours stipulé par le traité de 1742.
Art. 10. En cas que contre toute attente la guerre vînt à s'allumer, Sa Majesté Britannique s'engage d'envoyer dans la Mer Baltique une escadre de ses vaisseaux d'une force convenable aux circonstances, et l'amiral de cette escadre agira de concert avec l'armée impériale russienne, autant qu'elles seront à portée l'une de l'autre.
Art. 11. Pour faire les payements susdits et pour la commodité et la promptitude de la correspondance, Sa Majesté Britannique tiendra auprès du corps auxiliaire — qui sera commandé uniquement par le général que Sa Majesté Impériale mettra à leur tête, duquel dépendra<195> aussi celui qui commandera sur les galères —, un commissaire lequel, aussi bien que l'amiral de l'escadre britannique, en cas qu'il y en ait, sera toujours invité et admis aux conseils généraux de guerre et aura d'ailleurs communication de tout ce qui peut regarder le service commun.
Art. 12. Tout le butin que les troupes russiennes feront sur l'ennemi, de quelque nature et nom qu'il puisse être, restera au profit de ces mêmes troupes.
Art. 13. En cas que ces troupes auxiliaires fussent obligées de toucher dans leur marche les terres de la république de Pologne, Sa Majesté Britannique se charge du soin de leur obtenir de Sa Majesté Polonaise et de la république de Pologne le libre passage par lesdites terres.
Art. 14. Cette convention durera l'espace de quatre années, à compter du jour que les ratifications en seront échangées.
Art. 15. En cas que la paix se fît, ou que l'objet de la diversion à faire n'existât plus avant l'expiration des quatre années mentionnées ci-dessus, le susdit corps auxiliaire retournera aussi avant ce temps-là dans les États de Sa Majesté Impériale, et Sa Majesté Britannique consent qu'après le retour il jouisse de trois mois du subside accordé. Mais, dans le cas que la paix ne se fît point avant ce terme, alors les parties contractantes conviendront ultérieurement de la prolongation de cette convention.
Art. 16. La présente convention sera ratifiée p. p.
193-1 Vergl. S. 81.