6285. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.
Potsdam, 9 avril 1754.
Outre ce que la dépêche du département des affaires étrangères vous aura marqué touchant les nouvelles d'Angleterre, je veux bien y ajouter pour votre direction qu'on me mande d'ailleurs qu'il n'était point encore question là des affaires étrangères et que le duc de Newcastle était plus occupé que jamais des affaires intérieures et à bien lier sa partie avec la nouvelle administration dont il était à la tête. Qu'il était de même des autres ministres anglais, dont la principale attention était fixée sur les affaires intérieures, qui cependant paraissaient prendre une bonne tournure en faveur de l'administration nouvelle. Que le duc de Mirepoix continuait à négocier au sujet des affaires orientales et se flattait de pouvoir ajuster ces différends malgré le départ de l'escadre anglaise. Qu'au surplus ce serait se faire illusion que de penser que, quand le duc de Newcastle se trouvait aujourd'hui à la tête des finances et sur le pied de premier ministre, il ouvrirait avec cela facilement les cordons de la bourse et donnerait à plein collier dans tous les projets de subsides que les Autrichiens et leurs alliés voudraient fournir; qu'il aurait des vues plus essentielles à remplir pour lier sa partie solidement avec les chefs de la nation et pour bien s'assurer de l'élection du nouveau Parlement, tout comme d'en essayer les forces, avant que de songer à aucune négociation pécuniaire. Que sa nouvelle fonction demandait même plus de précaution vis-à-vis de la nation; que comme secrétaire d'État il pouvait s'avancer plus en avant envers des cours étrangères qu'il ne saurait plus le faire comme chef des finances; qu'il aurait trop de prudence et assez à cœur ses propres intérêts pour ne pas s'embarquer dans des engagements que la fantaisie de son maître et les artifices des Autrichiens sauraient lui suggérer. Qu'au reste, le ministère anglais ne saurait prendre aucune résolution importante sans évènement extraordinaire et à moins des objets nationaux que vers le mois de novembre.
Quant au sieur Robinson, avec qui j'ai traité moi-même autrefois et du temps de la première guerre de Silésie,292-1 je l'ai reconnu alors pour un homme impétueux et de vives passions, comme les gens communs de l'Angleterre.
Mes lettres de Vienne confirment les nouvelles que je vous ai déjà communiquées par ma précédente touchant les préparatifs militaires qu'on y prend, que les ordres pour les chevaux d'artillerie étaient toujours les mêmes, savoir qu'on les cherchait dans le pays, qu'on en faisait des listes pour les acheter, quand on en aurait besoin; que quatre régiments de cuirassiers, deux de dragons et deux d'hussards, tous de Hongrie, étaient destinés pour joindre le camp en Bohême, qu'on travaillait à former des magasins pour ce camp, qui devait être pourvu de<293> tout ce qu'il faut à une armée destinée à opérer. Quoique je vous le répète encore que j'ai toute la peine à m'imaginer que ces gens-là ont un dessein réel de commencer de nouveaux troubles, je suis cependant toujours du sentiment que la bonne prudence et la raison exigent que je me concerte au préalable avec la France sur les mesures à prendre, pour ne point être pris au dépourvu, supposé le cas que la cour de Vienne voudrait éclater inopinément.
Federic.
Nach dem Concept.
292-1 Vergl. Bd. I, 318 ff. ; V, 160. 201. 230.