6445. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

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Klinggräffen berichtet, Wien 17. August: „Je voudrais pouvoir rendre compte en entier d'une pièce assez curieuse du comte Keyserlingk, partie il y a huit jours pour sa cour, sous le titre Réflexions sur l'état actuel du système en Europe, mais la personne de qui je tiens ceci, n'a eu le temps que de lire une page dans la chancellerie dudit comte, ayant été empêchée de passer plus avant. Voici ce que c'est. Ce ministre de Russie commence d'abord par établir pour système assuré le plan de la France d'avoir toujours en vue de s'acquérir la monarchie universelle, ajoutant qu'on ne pouvait y donner trop d'attention, cette puissance ayant des émissaires presque dans toutes les cours, grandes et petites, s'étant déjà

Camp de Spandau, 27 août 1754.

J'ai reçu votre rapport du 17 de ce mois. Sur ce que vous avez appris par rapport aux misères que le comte Keyserlingk a écrites à sa cour, sous le titre de Réflexions sur l'état actuel du système en Europe, je veux bien vous dire, quoique pour votre direction seule, que c'est d'une part, par un ordre exprès du grand-chancelier Bestushew au susdit comte qu'il s'est vu obligé de coucher un tel écrit dont celui-ci prétend faire usage auprès de sa

rendue maîtresse de Votre Majesté et de la Suède, quoique dans cette dernière elle ne réussisse pas encore entièrement, et qu'ainsi la Russie et ses alliés doivent redoubler d'application à prendre les moyens les plus efficaces pour conjurer l'orage à temps. C'est à cet endroit que la personne en question a été interrompue. Elle suppose, et je le crois, que le reste de la pièce, longue encore d'une page et demie, aura été remplie du détail.“

souveraine, et que d'un autre côté c'est par les impulsions des ministres autrichiens que le comte Keyserlingk s'y est prêté, parceque ceux-ci aimeraient de détourner l'attention de la Russie des affaires de la Turquie et de la diriger sur celles de l'Europe; aussi, pour vous expliquer mieux encore ceci, je veux bien vous informer d'une particularité qui m'est venue de très bon lieu, et sur l'authenticité de laquelle je puis entièrement compter.414-1

C'est que sur les ouvertures préalables que le résident de Russie à Constantinople a faites sur les forts que sa souveraine a dessein de faire construire dans la Nouvelle-Servie, et dont la Porte Ottomane avait pris bien de l'ombrage,414-2 que les vues de sa cour n'étaient en cela que très innocentes et qu'à pourvoir par là à la sûreté de ses frontières, et que, d'ailleurs, elle était fermement résolue de cultiver toujours la paix et la bonne harmonie avec la Porte Ottomane, et que, le Divan ayant été assemblé pour délibérer là-dessus, le Grand-Visir et le Reïs-Effendi avaient déclaré tout net au résident susdit que, si la Russie continuait de faire bâtir ces forteresses, la Porte regarderait cette démarche comme un attentat à la paix, et qu'au surplus le Grand-Visir avait déclaré au sieur Penckler la même chose, en ajoutant que, pourvu que la Russie bâtît des forteresses sur les frontières, elle aurait infailliblement la guerre avec la Porte, laquelle ni le Sultan ni lui seraient pas à même de détourner, ni de contenir la populace à cet égard. Comme le sieur Penckler avait mandé ceci à sa cour par une estafette, et que le comte de Kaunitz avait été d'autant plus alarmé de cette situation des affaires en Turquie qu'il n'ignorait pas le caprice de l'impératrice de Russie à faire de grands établissements dans la Nouvelle-Servie, il avait pressé fortement les ministres anglais et saxon afin de coopérer que la cour de Londres fit des instances en Russie pour qu'on désistât de l'entreprise de bâtir des forts en question.

En combinant ceci avec ce que je vous ai marqué ci-dessus, vous trouverez aisément le motif qui a conduit le comte Keyserlingk à faire la démarche ci-dessus mentionnée, duquel d'ailleurs le ministère autrichien n'est pas trop content de ce qu'il n'a pas voulu se prêter à faire directement à sa cour des remontrances par rapport aux établissements de la Nouvelle-Servie.

Du reste, je sais à présent414-3 que le ministère d'Angleterre a résolu de ne point donner une réponse par écrit au ministère de Russie sur

 

son contre-projet de subsides,415-1 mais de faire simplement déclarer par le sieur Guy Dickens combien on était surpris et peu en état d'entrer en ses demandes présentes, et qu'on espérait que l'impératrice de Russie proposerait encore des conditions plus acceptables et moins à charge à l'Angleterre, de sorte que je crois avoir tout lieu de présumer que cette négociation en Russie traînera encore quelque temps et qu'elle échouera à la fin.

Federic.

Nach dem Concept.



414-1 Bericht Flemming's an Brühl, Wien 21. Juni 1754. Vergl. Nr. 6444.

414-2 Vergl. S. 326.

414-3 Aus den Berichten Flemming's an Brühl vom 21. und 31. Juli

415-1 Vergl. S. 356.