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Quant à la Hesse, je suis très sûr que son traité est fait et conclu avec l'Angleterre,1 et, depuis les propos inconsidérés que le sieur Champeaux à Hambourg a tenus là au prince héréditaire de Cassel,2 le Landgrave est si fort animé contre la France que toutes les propositions qu'on saurait lui faire, seraient sans effet.

Quant au duc de Brunswick, je dois lui rendre le témoignage que, malgré toutes les avantages que les Anglais lui ont offerts, même l'établissement de sa fille aînée,3 il n'a jamais voulu renoncer au traité qu'il a fait avec nous, de sorte qu'en cas que le mariage de sa fille manquât, je me ferais fort de l'engager de nouveau, mais que je pourrais dire d'avance au ministère de France que ce ne serait qu'en doublant les subsides.4

Quant à la Saxe, il faut que je convienne que ce serait un avantage pour la France et pour moi, si l'on pouvait l'engager dans notre alliance; mais nous avons vu par l'expérience que nous ne pourrions jamais compter sur le ministre, le comte Brühl, et que cet homme, vendu aux cours de Russie et de Vienne, ne changera jamais de parti. Il ne faudra point citer ce qui s'est fait l'année 1741,5 vu que ce ministre était intimidé alors par nos forces qui étaient en Bohême et en Autriche, et par les avantages que j'avais remportés en Silésie; et dans ce temps même, le comte de Brühl ne put cacher sa mauvaise volonté, au moins est-il constaté que ni la France ni ses alliés n'ont pu tirer alors aucun avantage des troupes saxonnes, et, dès que la sûreté l'a permis à ce ministre, on l'a vu changer de parti. Outre toutes ces considérations, je crois qu'on n'ignorera pas en France que le comte de Flemming, ministre saxon, est allé de Dresde à Hanovre pour y renouveler le traité de subsides entre l'Angleterre et, la Saxe,6 et que, par l'empressement qu'on a remarqué depuis peu entre ces deux cours, on en peut conclure, et il y a toute l'apparence, que leur traité a été déjà actuellement conclu. Aussi, le comte de Brühl s'amuserait aux dépens de la France, si on lui faisait des propositions, se jouerait des ministres de France et ne manquerait pas de communiquer toutes les propositions qu'on lui aurait faites, aux cours d'Angleterre, de Vienne et de Russie, de sorte que je laisse penser aux ministres de France s'il leur convient de se laisser balloter par le comte Brühl en entamant une affaire avec lui dont on peut leur prédire d'avance qu'elle échouera; pour moi, il me convient mieux d'avoir un ennemi connu que de l'avoir caché.

Vous pouvez faire usage de tous ces raisonnements vis-à-vis de M. de Rouillé, en adoucissant cependant les termes et en ajoutant le véhicule le plus propre pour lui faire avaler la pilule.

Quant à moi, j'envisage la situation de la France d'une façon toute différente que les ministres de France l'envisagent eux-mêmes, qui



1 Vergl. S. 226. 227.

2 Vergl. S. 143.

3 Vergl. S. 225.

4 Vergl, S. 237.

5 Vergl. Bd. I, 471.

6 Vergl. S. 167.