<148> qu'elle jugera à propos de prendre relativement à cette diversion … Je sais que M. Rouillé lui en a parlé ces jours passés et que, l'ayant sondé sur ce que sa cour pourrait penser d'une pareille démarche, sans cependant être convenu vis-à-vis de lui qu'on voulût l'entreprendre, cet ambassadeur lui a répondu qu'il ne croyait point que le ministère d'Espagne en fût instruit et que d'ailleurs les opérations offensives que les cours de France et d'Angleterre pourraient vouloir former l'une contre l'autre, ne concernaient point sa cour, vu le système qu'elle avait adopté@133; La réponse des Etats-Généraux aux propositions du sieur d'Affry1 porte en substance que les États-Généraux voient avec douleur les différends qui se sont élevés entre la France et l'Angleterre, et qu'ils en désirent avec ardeur la pacification; qu'ils sont fort éloignés de vouloir s'engager dans une guerre pour un objet qui leur est étranger et relativement auquel ils n'ont pris nuls engagements; que connaissant d'ailleurs, comme ils font, le prix de l'amitié, de la bienveillance de Sa Majesté Très Chrétienne, ils en rechercheront avec empressement la continuation et emploieront pour cet effet tous les moyens qui seront compatibles avec leur indépendance et leur honneur; que Leurs Hautes Puissances se flattent qu'au moyen de cette déclaration le territoire de la République et celui des Pays-Bas autrichiens qui leur sert de barrière, se trouveront à l'abri de toute insulte et menace … Il est certain que l'expédition [du maréchal de Belle-Isle]2 n'est point aussi prochaine qu'on le suppose assez communément et qu'on le soupçonne même en Angleterre. Les détails qu'elle exige, ne sont non seulement immenses et emporteront un temps considérable, mais je sais aussi que l'intention du ministère est d'ouvrir la guerre par une diversion moins importante et de tenter le rétablissement de la paix par des moyens moins périlleux et moins dispendieux. Le but que la cour de France se propose par l'ostentation avec laquelle elle fait ces préparatifs, est donc principalement de forcer l'Angleterre à garder la plus grande partie de ses vaisseaux dans La Manche pour la défense des îles britanniques et de l'empêcher d'employer ses forces dans les parages contre lesquels elle veut diriger ses efforts, et je persiste toujours à croire qu'ils sont relatifs aux possessions de la Grande-Bretagne dans la Méditerranée.“

Potsdam, 28 février 1756.

La dépêche que vous m'avez faite du 16 de ce mois, m'a été bien rendue, et, par tous les détails que vous y avez compris, je vois bien qu'aucune des parties principalement intéressées dans les troubles présents n'a encore pris le parti qu'elle voudrait prendre, et que d'ailleurs l'Espagne reste encore indécise; auxquels sujets vous continuerez de veiller de fort près.

En attendant, tout ce que je saurais vous recommander dans la conjoncture présente comme une chose qui ne m'importe pas médiocrement, c'est que vous devez faire tout ce qui sera humainement possible pour vous bien insinuer dans l'esprit de Madame de Pompadour et de gagner sa confiance,3 et, si l'occasion s'y présente, vous ne ferez point mal de lui parler d'affaires, pour plus d'une raison, savoir pour pénétrer sa façon de penser sur la conjoncture présente et sur ma convention faite avec l'Angleterre, pour adoucir la première aigreur qu'elle en a peut-être prise, et pour tempérer la vivacité française.

Au reste, je crois qu'on ne tardera pas de vous rendre cette dépêche que je vous ai déjà accusée par ma précédente,4 par rapport aux propositions faites du ministère anglais relatives à un accommodement



1 Vergl. S. 44.

2 Vergl. S. 32.

3 Vergl. S. 98.

4 Vergl. Nr. 7298.