<262> ce qui regarde la Russie, il faut bien que je vous dise que je doute encore que les ministres anglais en soient si assurés comme ils le croient, et que les intentions de la cour de Pétersbourg soient aussi pures que ces ministres se l'imaginent, vu que je veux vous confier de certaines anecdotes que j'ai apprises de très bon lieu,1 et dont il ne faut pas douter de l'authenticité, mais dont vous ne parlerez à personne qui vive, hormis qu'au lord Holdernesse, après avoir tiré de lui une promesse d'honneur par rapport au secret qu'il m'en gardera. C'est en conséquence de cet avis que les opposants les plus principaux contre le traité de subsides avec l'Angleterre ont été le sénateur [Pierre Schuwalow],2 le favori Iwan Schuwalow, le grand-maréchal Bestushew, général Buturlin et le comte Tschernyschew, et que dans une conférence qu'il y avait eu le 8 février auprès de l'impératrice de Russie au sujet dudit traité, celle-ci lui avait entre autres choses relevé que l'Angleterre avait d'abord [après] le traité d'Aix-la-Chapelle renvoyé les troupes auxiliaires de Russie, sans se soucier de leur procurer des quartiers, que les Puissances maritimes lui avaient manqué l'engagement qu'un ministre de Russie serait admis au congrès d'Aix3 et que l'Angleterre n'avait pas songé jusqu'ici à lui témoigner par un compliment sa reconnaissance de ce que les troupes de Russie avaient été recrutées et augmentées uniquement à son égard, et que d'ailleurs elle se trouvait choquée de ce que l'Angleterre avait refusé de fournir aux subsistances du corps auxiliaire des troupes de Russie à lui envoyer au cas de guerre. Que, le Grand-Chanceler ayant levé ces objections, l'Impératrice avait à la fin ratifié le traité, mais que, la nouvelle de la convention faite entre l'Angleterre et moi lui étant arrivée,4 elle avait marqué un vif repentir de cette ratification et témoigné combien elle souhaitait d'en rétracter la signature, et qu'étant apaisée là-dessus, elle avait néanmoins déclaré qu'elle conserverait toujours ses bonnes intentions pour la cour de Vienne.
Vous ajouterez à milord Holdernesse que tout ceci me faisait estimer qu'il serait très nécessaire que le ministère anglais eût une attention particulière sur la Russie,5 afin de ramener l'Impératrice sur des sentiments plus favorables qu'elle n'était actuellement pour l'Angleterre, et que les aigreurs qu'elle avait conçues, fussent adoucies.
Vous direz de plus à ce ministre que la confidence dont il m'avait fait informer de la part du Roi son maître touchant le dessein de la France de rendre infructueux les arrangements pris pour le maintien de la religion protestante dans la maison de Hesse-Cassel,6 n'était pas destituée de vraisemblance, et qu'il était sûr qu'il se brassait quelque chose à ce sujet entre les cours de Vienne et de Versailles, mais que
1 Bericht Maltzahn's, Dresden 5. April, nach einem Berichte Funcke's an Brühl vom 21. Februar. Vergl. Nr. 7423.
2 Ergänzt aus dem Berichte Maltzahn's.
3 Vergl. Bd. VI, 606.
4 Vergl. S. 173.
5 Vergl. S. 184.
6 Vergl. Nr. 7418.