<427> courrier sur ce qu'il avait vu et entendu chemin faisant, et qu'il avait cru devoir me remettre l'une et l'autre de ces déclarations, quoiqu'il sentît bien qu'on ne pouvait guère compter sur la première et encore moins sur la seconde qui ne contenait que des bruits populaires, qui se détruisaient d'eux-mêmes par leur fausseté et leur exagération, et qu'il ne m'aurait pas même communiqués, s'il ne les avait envisagés comme autant d'insinuations que la cour de Vienne avait fait répandre pour aigrir les esprits contre Votre Majesté et pour détacher la Russie de l'Angleterre. Je joins ici ces deux pièces telles qu'elles m'ont été remises par le sieur Mitchell.
Ce ministre a fini par me dire que, quoiqu'il ne regardât pas encore cette affaire comme désespérée, elle lui paraissait cependant assez critique et trop importante pour n'en pas avertir sa cour sur le champ; qu'il allait donc dépêcher son courrier dès ce soir et qu'il attendait les ordres de Votre Majesté pour en dépêcher un autre, dès qu'Elle le jugerait à propos.
J'ai répondu au sieur Mitchell que ces avis ne s'accordaient malheureusement que trop avec ceux que Votre Majesté avait reçus d'autre part;1 que je craignais bien que le chevalier Williams n'eût trouvé moyen de déplaire à l'Impératrice et que, si, par-dessus le marché, il n'avait pas toute la confiance du Chancelier, la cour d'Angleterre ne pourrait rien faire de mieux selon moi que de le rappeler sans perte de temps et de le remplacer par un homme sage, et qui fut agréable.2 Il en convint avec moi, me dit, en haussant les épaules, que le chevalier Williams avait beaucoup d'esprit et peu de jugement, et ajouta qu'il en avait déjà marqué son petit sentiment à sa cour.
S'il m'est permis, après cela, de hasarder mes conjectures sur tout ceci, j'aurai l'honneur de dire à Votre Majesté que je regarde toute cette manœuvre comme une intrigue du Vice-Chancelier, qui, appuyé du crédit des Schuwalow, aura voulu profiter de la crise singulière des affaires de l'Europe pour culbuter le comte Bestushew; mais, autant que je connais la carte du pays,3 ce dernier est si supérieur au comte de Woronzow par l'habileté, par l'intrigue et par la connaissance des affaires, que je ne désespérerai du retour de sa fortune que lorsque je le verrai écrasé, et il serait bien triste et bien singulier qu'après tant de vaines tentatives, il le fût dans le premier moment où la conservation de son ministère aurait pu être de quelque utilité à Votre Majesté. Je conviens, à la vérité, que la chose est très possible, mais, si l'Angleterre s'y prend à temps, si elle lui confie l'argent nécessaire pour ménager ses créatures, s'il se soutient en un mot, il est homme à terrasser insensiblement tous ses ennemis et à travailler ensuite, par esprit de vengeance, à la réconciliation de Votre Majesté avec sa cour avec la même activité qu'il a mise autrefois à les brouiller.4 C'est une idée qui peut me tromper, mais que j'ai cru devoir soumettre aux lumières supérieures de Votre Majesté.
Journal et déclaration du nommé Pollock, courrier anglais. A Berlin, ce 18 juin 1756.
Ledit courrier déclare qu'il partit de Saint-Pétersbourg dimanche le 6 de ce mois, de grand matin. Qu'il arriva le soir à Narva, où il y avait un camp d'environ une centaine de tentes. Qu'il arriva à Riga, mercredi le 9 après-midi, et à neuf heures au soir du même jour fut avancé jusques à Mitau. Il déclare, en outre, que depuis Narva jusqu'à Riga et de là à Mitau les chemins étaient remplis de gros corps d'infanterie, lesquels avec deux ou trois mille chariots, qui étaient aussi en marche, formaient une espèce de cordon le long du chemin, pendant trois ou quatre postes, qu'il eut de la peine à s'avancer.
Bruits qui couraient à Saint-Pétersbourg, selon le rapport du même courrier Pollock.
1° Que le roi de Prusse avait formé un camp de 100,000 hommes à Königsberg. Et le courrier, y étant arrivé, fut étonné de trouver qu'il n'en était rien.
1 Vergl. S. 404.
2 Vergl. S. 385. 419.
3 Als vormaliger Gesandter in Petersburg. Vergl. Bd. VI, 588.
4 Vergl. Bd. VIII, 172; IX, 141. 142; X, 535; XI, 484.