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la Russie remplirait ses engagements, surtout avec l'Angleterre, — j'avais pris les mesures nécessaires pour voir plus clair dans la conduite de la cour de Pétersbourg, puisque, malgré ces ordres positifs, on se vantait ici d'avoir gagné la Russie pour entrer dans leurs vues. Mon ami a vu avant-hier le comte Keyserlingk, pour le sonder s'il avait déjà fait sa déclaration. Il l'a trouvé embarrassé dans sa réponse, ajoutant qu'il n'avait rien reçu du depuis de sa cour, mais qu'il y avait cinq jours qu'un courrier était arrivé ici de Pétersbourg à la cour. Mon ami ne doute presque plus, par l'embarras où il a vu cet ambassadeur dans sa réponse, que les deux cours ne se soient rapprochées#133: Il faut que l'Angleterre ne perde point de temps pour s'assurer de la Russie; car jusqu'au moment présent on continue de donner à connaître ici qu'on s'entend avec elle … Il m'est revenu, dont je vois que Votre Majesté a eu pareillement avis, savoir que, pour gagner la Russie et lui rendre les subsides qu'elle perdrait de l'Angleterre, l'Espagne y suppléerait, moyennant qu'on la mettrait en possession de l'île de Minorque et qu'on lui ferait encore d'autres avantages. Le sieur Keith ne fait pas encore de cas de cet avis; cependant je sais de fort bon lieu que l'Espagne doit avoir accédé aux traités de Paris nouvellement conclus … Si1 Votre Majesté est persuadée que la France ne fera rien pendant le cours de cette année, les mouvements et les démonstrations de cette cour-ci ne seraient pas suffisants de causer trop d'inquiétude. Mais, s'il en était autrement, et surtout dans les plausibles apparences où on est actuellement, que la Russie a abusé l'Angleterre, on ne doit s'attendre d'ici à rien de bon. On continue avec mystère d'envoyer quantité d'artillerie et de munitions tant en Moravie qu'en Bohême, et, depuis quelques jours, il se débite sous main qu'on formera au mois d'août prochain en Bohême une armée assez considérable sous le nom d'armée d'observation, les régiments de cavalerie de Hongrie dont j'ai fait mention, en devant être aussi, quoiqu'ils soient encore assez loin d'ici dans leurs

ce qui suit. Les avis que j'ai eus sur les affaires de Russie,2 sont parfaitement conformes à ce que votre rapport m'en marque, et je crains que l'Angleterre ne se trouve amusée et dupée à la fin, tout comme elle a été de la cour de Vienne.

J'ai toute la peine du monde à croire que l'Espagne devrait suppléer aux subsides que la Russie perdrait en abandonnant les intérêts de l'Angleterre, encore moins je saurais ajouter foi à l'avis qui vous est parvenu que l'Espagne était accédée au traité de Paris; il n'y a pas la moindre apparence à cela, et l'amorce de Minorque est un trop petit objet pour elle, pour qu'elle en devrait sacrifier ses autres intérêts, bien plus essentiels que celui-là. Mais ce que je ne sais pas encore démêler assez, c'est si la France ne voudra pas se charger des subsides à offrir à la Russie, ou si l'Empereur n'y voudra suppléer de son trésor, en sacrifiant les 700,000 écus qui lui reviennent à peu près de Toscane; ce que je ne regarde pas comme une chose moralement impossible. Mais, supposé que la chose fût effectivement telle que je vous la représente ici, vous observerez que la somme mentionnée ne suppléerait que les subsides de paix auxquels l'Angleterre s'est engagée,3 et qu'on n'a pas entendu là-dessus les subsides de guerre à fournir à la Russie, quand elle devra agir, et je doute que la France les veuille payer, ni que l'Empereur soit à même d'en



1 Hier beginnt das P. S. Vergl. S. 429.

2 Vergl. S. 419. 427.

3 Vergl. Bd. XI, 387.