7337. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.
Knyphausen berichtet, Paris 27. Februar: „Le comte de Starhemberg a eu de nouveau un entretien secret avec M. Rouillé, et il m'a été assuré de fort bon | Potsdam, 9 mars 1756. J'ai bien reçu la dépêche que vous m'avez faite du 27 de février. |
lieu que les pourparlers qu'il a eus depuis quelque temps avec ce ministre, sont relatifs à la négociation entamée en 1749 par le comte de Kaunitz, à laquelle on n'a point voulu prêter l'oreille dans ce temps. M. Rouillé, que j'ai encore sondé à ce sujet, m'a réitéré179-1 de la façon du monde la plus affirmative qu'il n'y avait aucune négociation entre sa cour et celle de Vienne, et il a même ajouté qu'il était impossible qu'il pût jamais y avoir entre elles une certaine intimité, vu l'opposition invincible qu'il y avait entre leurs intérêts. Après quoi, il m'a fait entendre encore que l'envie que sa cour manifestait de resserrer les liens qui l'unissaient à Votre Majesté, et dont la nomination de M. de Valory fournissait une nouvelle preuve, suffisait seule pour contredire un pareil bruit. Quelque positives que soient ces assurances, j'ai cependant des indices si puissants du contraire que je crois qu'il serait téméraire d'y ajouter foi, et il me semble que Votre Majesté ne saurait mieux faire que de S'en expliquer envers M. de Nivernois et d'exiger que sa cour La rassure contre un pareil soupçon. Au reste, j'ai tout lieu de présumer, et il m'a même été assuré de fort bon lieu que la négociation du comte de Starhemberg n'a pour objet ni l'élection d'un roi des Romains, ni la neutralité des Pays-Bas, ni aucune proposition de mariage, et qu'elle ne porte que sur des choses générales, qui sont le désir qu'a l'Impératrice-Reine de vivre avec la France dans la plus parfaite intelligence et de pouvoir détruire les préjugés qu'on a eus jusqu'à présent sur l'incompatibilité des intérêts de la maison de Bourbon avec celle d'Autriche. Mais j'ignore quels sont tas avantages qu'il a ordre de proposer à la France en faveur de l'établissement d'une pareille alliance, et il y a apparence qu'il ne s'en est expliqué jusqu'à présent que très vaguement … Il transpire depuis quelques jours qu'on se propose de former incessamment un camp considérable dans la Flandre française et de faire beaucoup de mouvements de troupes dans cette | Je me suis expliqué avec le duc de Nivernois sur la négociation de sa cour avec celle de Vienne, qui m'a dit qu'il y avait déjà quatre à cinq ans que la dernière avait fait des avances pour voir s'il n'y avait pas à moyenner une intimité entre les deux cours, sur quoi la France avait répondu en termes honnêtes et polis, sans cependant vouloir entrer jamais en rien. Il peut être que dans le moment présent les Autrichiens ont renouvelé les mêmes propositions, mais de savoir sur quoi elles sauraient rouler, c'est ce qu'il faut que j'avoue que j'ai bien de la peine à deviner. En attendant, c'est une chose sûre et que mes dernières lettres de Vienne m'ont confirmée encore, que le comte d'Aubeterre évite au possible de parler à mon ministre Klinggräffen et qu'il a dit à quelqu'un : « Si le roi de Prusse ne veut pas de nous, il faut que nous cherchions d'autres alliés; »179-2 ce qui tout m'inspire de certains soupçons. Ce que vous me mandez du dessein qu'on a pris d'assembler incessamment un corps nombreux de troupes dans la Flandre française, m'embarrasse plus que tout le reste, puisqu'il n'y a pas moyen d'accorder ceci avec tout ce dont nous [sommes instruits d'ailleurs]; voudrait-on entrer avec ce corps dans les Pays-Bas hostilement, tandis qu'on négocie à Vienne? ce qui est hors de toute vraisemblance. En défaut de cela, voudrait-on en |
province, non seulement pour intimider les États-Généraux dans leurs délibérations, mais aussi afin de les mettre en situation de. pouvoir réclamer les contingents auxiliaires que l'Angleterre est par le même traité obligée de leur fournir; incident qui occasionnerait un échange de réquisitions et empêcherait le départ du secours réclamé par la Grande-Bretagne.“180-1 | intimider ou attaquer immédiatement la Hollande? il faudrait avoir préalablement négocié et concerté avec la cour de Vienne le libre passage de ces troupes et être convenu de certaines sûretés, ce qui n'est pas naturel ni du tout à concilier, de sorte que de quel côté que j'envisage cette énigme de politique, je ne saurais jamais la résoudre et serai ainsi bien aise que vous me serviez de bon Œdipe en cela. Je regarde l'envoi du marquis de Valory à ma cour180-2 comme une politique du ministère de France pour me rassurer contre les mesures que ce ministère voudrait bien prendre. Si le comte d'Argenson désire d'entraîner sa cour dans une guerre de terre, je ne comprends pas les moyens dont il l'effectuera, sans que la Reine-Impératrice y soit mêlée, et d'ailleurs n'aurait-il pas à essuyer les mêmes difficultés de la part de Madame de Pompadour qu'autrefois?180-3 Enfin, je crois pour conclusion que, dans le premier emportement qu'a eu le sieur de Rouillé, quand il a reçu les premières nouvelles, quoique fort défectueuses, de ma convention de neutralité, qui l'ont fort irrité, il a entamé une négociation avec les Autrichiens, dont apparemment il n'a pas prévu d'abord toutes les conséquences, mais dont la cour de Vienne songe de profiter pour parvenir à ses desseins et planter alors la France. Je ne saurais finir encore, sans vous communiquer une autre idée sur laquelle la Reine-Impératrice voudrait conclure avec la France, en lui proposant qu'elle ne se mêlerait du tout de la guerre présente entre la France et l'Angleterre, en laissant agir librement celle-là selon sa convenance, à condition toujours que la France de son côté ne se mêlerait de rien, quand la Reine-Impératrice trouvera bon de faire la guerre à moi. Dans ce cas-là, je ne perdrais pas trop considérablement, vu qu'entre nous soit dit, je ne présume pas que j'aurais eu à m'attendre des secours bien considérables et efficaces de la France, si la guerre était arrivée, dans le temps passé, entre moi et l'Impératrice-Reine. Voilà bien des conjectures que je vous communique pour votre direction et afin de vous mettre sur les voies pour les approfondir au mieux. Au reste, j'attends avec impatience vos rapports, tant au sujet de votre entretien avec Madame de Pompadour,180-4 quand vous l'aurez eu, que sur l'effet que les propositions d'accommodement que les ministres |
d'Angleterre ont faites par mon entremise, auront produit sur ceux de France.181-1 Federic. |
Nach dem Concept.
179-1 Vergl. S. 162.
179-2 Klinggräffen berichtet, Wien 28. Februar: „Je suis informé que quelqu'un lui [au comte d'Aubeterre] a dit dans la conversation: « la France sera toujours, malgré la convention [de Westminster], liée avec Sa Majesté le roi de Prusse, » et qu'il a répondu: » on ne peut à la fois être et à l'un et à l'autre.&171;.“
180-1 England hatte im Haag die Leistung der bundesmässigen Hülfe von 6000 Mann im Fall einer französischen Landung in England (vergl. S. 170) in Anspruch genommen.
180-2 Vergl. S. 169.
180-3 Vergl. Bd. IX, 351; XI, 267..
180-4 Vergl. S. 98.
181-1 Vergl. S. 142.