7364. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.
Michell berichtet, London 9. März, auf den Erlass vom 24. Februar,202-5 dass er dem englischen Ministerium die Ansichten des Königs über die vermeintlichen Rüstungen Schwedens und Dänemarks dargelegt hat: „Cependant, avec cela, leurs soupçons<203> ne sont pas encore levés sur la conduite de ces deux puissances dans la conjonctureprésente. Ils ont aussi continué de m'assurer qu'en cas que contre toute attente la cour de Vienne poussât en avant son chipotage avec la France, les Autrichiens n'y entraîneraient pas la Russie et qu'on se croyait toujours fort assuré en Angleterre que, de quelque façon que le chipotage dont il s'agissait, tournât, la cour de Pétersbourg resterait toujours attachée aux intérêts de l'Angleterre et qu'on n'en avait pasle moindre doute“ 203-1 … Le duc de Newcastle m'a dit „que le Roi son maître avait eu en dernier lieu des avis de différents côtés que le ministère de Versailles se vantait que Votre Majesté avait fait tous Ses efforts pour lui prouver que les engagements qu'Elle avait pris avec Sa Majesté Britannique, étaient si innocents et si peu calculéspour donner de l'offense à qui que ce fût, que Vous aviez offert, Sire, à la France de renouveler plus étroitement Vos anciens engagements avec elle;203-2 mais que cette dernière avait décliné jusqu'ici de s'expliquer là-dessus avec précision; qu'à la vérité ces avis n'avaient fait aucune impression sur l'esprit de Sa Majesté Britannique et de son ministère, mais que cependant lui, duc de Newcastle, avait eu ordre de m'en faire part, pour faire rapport à Votre Majesté qu'on ne voulait rien avoir de caché pour Elle dans les circpnstances présentes, et pour La convaincre de plus en plus du dessein où l'on était ici, de continuer d'aller en avant en toute confidence avec Votre Majesté.“
Potsdam, 20 mars 1756.
La réponse que le ministère de France a remise à mon ministre à Paris, le baron de Knyphausen, au mémoire de la Grande-Bretagne concernant la pacification des troubles qui se sont élevés en Amérique entre les cours de France et d'Angleterre, m'étant parvenue,203-3 je n'ai pas voulu perdre un moment pour vous l'envoyer ci-close telle que je l'ai reçue, avec la lettre dont le sieur de Rouillé l'a accompagnée.203-4
Vous ne manquerez pas de voir d'abord milord Holdernesse ou le duc de Newcastle, selon qu'il convient, pour leur dire que vos ordres étaient que vous leur deviez incessamment communiquer ces deux pièces telles que je les avais eues, et de leur dire de ma part que je ne m'attachais qu'au sommaire de la réponse en question, selon laquelle les Français prétendaient primo, en préalable, la restitution de toutes les prises faites des Anglais sur les Français dans cette dernière guerre,203-5 et qu'en second heu il paraissait qu'ils voulaient accorder les conditions qu'ils ont offertes par leur dernière réponse remise par le duc de Mirepoix.203-6
Que quant à ces deux objets-là, je laissais à examiner aux ministres de l'Angleterre ce qui pourrait leur convenir et quelles démarches ils croient pouvoir faire pour le bien et la tranquillité de l'Europe. Si, cependant, je devais dire mon sentiment avec toute sincérité, je craignais beaucoup que la forme qu'on voulait donner à tout ceci, ne fît du tort au fond de la chose. Je regardais donc comme la grande affaire de savoir si les Anglais pourront accepter les avantages que les Français leur ont offerts en Amérique; car au cas qu'on pourrait régler<204> ce point-là, je ne doutais point que, par l'entremise des amis communs, on ne pût trouver les moyens de parvenir à une médiation, mais que j'envisageais dans cette affaire comme le point principal et de la première importance celui de régler les différends de l'Amérique et que pour la restitution des vaisseaux français, comme les Anglais paraissent l'offrir jusqu'ici, je ne crois point que cela apporterait difficulté au rétablissement de la paix, si par exemple des puissances médiatrices garantissaient à l'Angleterre un article préliminaire par rapport aux affaires de l'Amérique, dont on aurait pu convenir. Voilà ce que vous aurez à dire à ces ministres de ma part; en suite de quoi vous me manderez comment ils ont envisagé tout ceci et si vous estimez que, pourvu qu'on conviendrait sur le point principal, savoir sur les affaires de l'Amérique, ils sauraient bon alors [de se prêter] à la restitution des vaisseaux français et de finir le reste à un congrès; ce que de ma part j'envisage comme le seul moyen qui reste à raccommoder les deux partis.
Pour ce qui regarde les insinuations qu'en conséquence de votre dépêche du 9, que je viens de recevoir dans ce moment, le duc de Newcastle vous a faites touchant les différents avis que le Roi son maître avait eus de France sur mon sujet, vous direz convenablement à ce ministre qu'il était très vrai que j'avais assuré aux Français qu'il n'y avait rien d'offensif contre qui que ce soit dans la convention de neutralité que j'avais conclue avec le roi d'Angleterre; aussi ni les Anglais, ni tout le monde ne sauraient envisager autrement cette convention de neutralité que défensive; mais que, pour le reste, le roi d'Angleterre et son ministère sauraient être assurés que j'observerais religieusement et avec toute l'exactitude les engagements que j'avais pris au moyen de cette convention avec l'Angleterre; mais que, tandis que les Français n'attaqueraient pas les États de l'Allemagne, je les ménagerais, parceque dans le fond, et indépendamment de la convention de neutralité faite, je n'avais pour mon personnel aucuns différends avec eux, et que je ne voudrais pas sans aucune raison pressante multiplier le nombre de mes ennemis, dont j'avais innocemment assez; et que d'ailleurs je voudrais garder des ménagements, afin de conserver toujours l'occasion de porter des paroles de paix entre les deux parties, pour en ménager peut-être la paix et la réconciliation entre elles.
Autant que j'ai appris présentement204-1 de la négociation secrète qui doit être entre la France et les Autrichiens, il n'en doit être, au fond, rien d'arrêté, ni de conclu, mais qu'elle doit rouler sur un traité d'amitié et d'union à faire entre les deux cours, et la neutralité des Pays-Bas autrichiens à stipuler entre les deux cours pendant la guerre présente, tout comme encore, par quelque article séparé, les bons offices de la France à l'élection de l'archiduc aîné Joseph en qualité de roi des<205> Romains. J'avoue cependant que, malgré cela et malgré tous les ressorts que la cour de Vienne fait jouer pour s'accrocher avec la France, j'ai toute la peine à croire que les Autrichiens parviendront à conclure effectivement avec la France, parcequ'une telle affaire est compliquée de tant de contradictions qu'il n'est pas aisé à voir comment elle saurait réussir.
Quand, d'ailleurs, j'apprends par votre rapport que les ministres anglais ne sont pas tout-à-fait sortis de leur inquiétude sur les dispositions des cours de Suède et de Danemark, vous direz à eux que l'évènement et ce qui en arriverait en effet, convaincrait le ministère anglais que je leur en avais annoncé la vérité et qu'il n'y avait aucun dessous dans cet armement desdites cours, ni point d'autre intention que celle que j'avais dite à ces ministres.
Du reste, vous observerez scrupuleusement l'occasion convenable où vous saurez sonder adroitement ces ministres s'il ne conviendrait pas de rétablir entre la Russie et moi une bonne intelligence ou du moins passable, vu qu'il paraissait malséant que des puissances qui avaient présentement la satisfaction d'être dans les mêmes engagements avec l'Angleterre, fussent encore différentes entre elles-mêmes. Vous observerez cependant en ceci qu'il faut que vous vous y preniez bien délicatement pour sonder les ministres à ce sujet, et que vous alliez bien doucement pour leur hasarder la proposition.
Federic.
P. S.
Vous donnerez des copies très exactes de deux pièces aux ministres, en gardant celles que je vous envoie, pour votre usage ultérieur.
Réponse de Sa Majesté Très Chrétienne à Sa Majesté Prussienne.
Le Roi a été très sensible à la communication que le roi de Prusse a bien voulu lui donner d'une copie de la lettre du 12 du mois de février dernier, écrite à Sa Majesté Prussienne par Son ministre à Londres, et du mémoire contenant la réponse du roi d'Angleterre205-1 au sujet des ouvertures faites à ce Prince par ordre du roi de Prusse, dans la vue de contribuer à une conciliation amiable des différends qui subsistent entre Sa Majesté et Sa Majesté Britannique.
Le Roi rend trop de justice aux lumières et à l'équité de Sa Majesté Prussienne pour ne pas accepter avec satisfaction les bons offices qu'Elle lui offre et qu'Elle a déjà commencé à employer relativement a un ouvrage si salutaire.
Si la cour britannique a fait part au roi de Prusse de toute la négociation qui a été suivie à Londres pendant le dernier séjour de M. le<206> duc de Mirepoix en Angleterre,206-1 Sa Majesté Prussienne y aura vu bien clairement qu'il n'a pas tenu au Roi de prévenir par un accommodement les excès auxquels la cour britannique s'est portée, et qu'elle continue de commettre depuis huit mois et sans déclaration de guerre contre les vaisseaux et les sujets de Sa Majesté.206-2
En effet, le Roi, après avoir proposé plusieurs fois, mais toujours inutilement, au roi d'Angleterre de remettre de part et d'autre en Amérique les choses sur le pied où elles étaient ou devaient être en conséquence du traité d'Utrecht, de faire cesser les hostilités dans cette partie du monde et de travailler sans délai à une conciliation finale sur tous les objets de discussion entre les deux couronnes,206-3 avait enfin offert des sacrifices très réels de sa part, pour maintenir la bonne intelligence avec le roi de la Grande-Bretagne et pour prévenir une guerre que Sa Majesté a toujours désiré et désirerait encore de pouvoir éviter.
Mais le Roi a constamment vu avec regret que l'Angleterre attachait l'idée d'un accommodement à des conditions que Sa Majesté ne devait, ni ne pouvait accepter;206-4 Elle était même fort étonnée d'éprouver autant d'inflexibilité à cet égard, mais Sa surprise cessa, lorsqu'Elle apprit, non seulement par l'attaque de Ses vaisseaux206-5 et de Ses possessions en Amérique, mais aussi par les papiers du général Braddock,206-6 que, sous le voile d'une négociation à laquelle la cour britannique paraissait se prêter sincèrement, elle cachait les ordres offensifs qu'elle avait envoyés depuis plusieurs mois en Amérique, quoiqu'elle renouvelât toujours de vive voix et par écrit les assurances les plus formelles de ses intentions pacifiques.206-7
Par la rupture inopinée des négociations, de laquelle il est fait mention dans le mémoire remis à Londres au ministre du roi de Prusse, la cour britannique prétend sans doute parler du rappel de M. le duc de Mirepoix et de M. de Bussy; mais personne n'ignore que le Roi ne s'est déterminé à les faire revenir auprès de lui qu'après l'attaque et la prise de deux vaissaux de Sa Majesté par l'amiral Boscawen.206-8 Toute l'Europe n'a même pu qu'admirer comme une suite de la modération du Roi et de son amour pour la paix que Sa Majesté eût alors borné au seul rappel des ministres qu'elle entretenait auprès du roi d'Angleterre, le juste ressentiment que devaient lui inspirer des hostilités aussi violentes qu'imprévues et si évidemment contraires au droit des gens, à la foi des traités, à toutes les lois et à tous les usages.
La cour de Londres insiste toujours sur les conditions qu'elle a proposées par son contre-projet du 7 mars 1755;206-9 mais le Roi fit répondre<207> dans le temps par son ambassadeur que de pareilles propositions ne permettraient pas à Sa Majesté d'espérer que les deux cours pussent parvenir à une conciliation amiable,207-1 et le Roi n'a point changé de sentiment à ce sujet.
Sa Majesté fit déclarer en même temps au roi de la Grande-Bretagne qu'Elle prendrait volontiers avec lui les mesures les plus efficaces pour mettre les deux nations en Amérique à l'abri de toute invasion et de toute gêne de la part de l'une vis-à-vis de l'autre, et qu'Elle ne serait pas éloignée d'entrer avec lui dans des arrangements favorables au commerce des Anglais et de céder même des pays qui Lui appartiennent incontestablement.207-2
Quoique les procédés de la cour de Londres aient autorisé Sa Majesté à regarder comme nulles et non avenues de pareilles offres, cependant son désir sincère et invariable de maintenir le repos public et de rétablir la bonne correspondance entre les deux cours, La déterminera à rentrer en négociation sur les mêmes errements. Elle accepte avec d'autant plus de plaisir pour cet effet l'entremise et les bons offices du roi de Prusse qu'Elle est bien persuadée qu'il ne les emploiera que conformément aux principes d'équité dont il est animé; mais Sa Majesté Prussienne jugera sans doute que le Roi ne peut absolument pas se départir de la réquisition qu'il a fait faire au roi de la Grande-Bretagne, d'ordonner préalablement la prompte et entière restitution de tous les vaisseaux français qui ont été pris par la marine anglaise, et de tous leurs équipages, officiers, soldats, chargements et effets.
Le roi de Prusse connaît trop ce que les souverains se doivent à eux-mêmes et à leurs sujets, pour ne pas approuver une demande aussi juste et aussi décente.
Ce n'est qu'à cette condition que le Roi sera disposé à concourir par la voie de la négociation à tous les arrangements convenables pour terminer sans délai et sans détour toutes les discussions qui subsistent entre la France et l'Angleterre.
Si le roi de la Grande-Bretagne désire sincèrement la paix et veut bien ne consulter que son équité naturelle, il ne se refusera pas à une première démarche que le droit des gens, les traités les plus solennels et toutes les règles de la justice lui prescrivent également.
C'est dans cet esprit que le Roi a déjà répondu au roi d'Espagne, qui lui a offert ses bons offices en même temps que le roi de Prusse.
Sa Majesté, vivement touchée des marques d'amitié et de confiance qu'Elle reçoit à cette occasion de la part de Sa Majesté Prussienne, souhaite ardemment que les soins que ce Prince se donne pour prévenir une nouvelle guerre, soient aussi efficaces qu'ils sont dignes de la modération et de la générosité de ses sentiments.
<208>
Lettre de M. de Rouillé à M. le baron de Knyphausen.
Le 13 mars 1756.
Monsieur le baron de Knyphausen trouvera ci-joint la réponse du Roi au mémoire que le roi d'Angleterre a fait remettre à Sa Majesté Prussienne sur les ouvertures qu'elle a bien voulu lui faire pour parvenir à la pacification des troubles actuels. M. Rouillé le prie de vouloir bien l'envoyer à Sa Majesté Prusienne. Le Roi espère qu'Elle y reconnaîtra la suite des sentiments de justice et de modération qui ont jusqu'à présent dirigé sa conduite, et qu'Elle voudra bien en faire auprès de Sa Majesté Britannique l'usage qu'Elle croira le plus convenable au but salutaire qu'Elle Se propose. M. Rouillé dépêchera demain dans la matinée un courrier à M. le duc de Nivernois, et si M. de Knyphausen veut le charger de ses paquets pour sa cour, M. Rouillé diffèrera son départ, jusqu'à ce qu'il les ait reçus, étant fort aise de profiter de toutes les occasions de marquer ses égards et son attention au ministre du roi de Prusse et à la personne de M. de Knyphausen en particulier.
Nach dem Concept. Die Beilagen nach den von Knyphausen eingesandten Ausfertigungen.
202-5 Vergl. Nr. 7299 S. 142.
203-1 Vergl. S. 144.
203-2 Vergl. S. 160—162.
203-3 Von Knyphausen am 13. März übersandt. Vergl. Nr. 7359.
203-4 Begleitschreiben Rouille's an Knyphausen, d. d. Paris 13. März.
203-5 Vergl. Bd. XI, 478.
203-6 Vergl. Bd. XI, 168.
204-1 Bericht Knyphausen's, Paris 8. März. Vergl. Nr. 7366.
205-1 Vergl. Nr. 7303 S. 146.
206-1 Vergl. Bd. XI, 478.
206-2 Vergl. Bd. XI, 478.
206-3 Vergl. Bd. XI, 66. 72.
206-4 Vergl. Bd. XI, 93. 112. 181. 183.
206-5 Vergl. Bd. XI, 224.
206-6 Vergl. Bd. XI, 290. 302.
206-7 Vergl. Bd. XI, 478.
206-8 Vergl. Bd. XI, 224. 226.
206-9 Vergl. Bd. XI, 93.
207-1 Vergl. Bd. XI, 103.
207-2 Vergl. Bd. XI, 168.