7618. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

Finckenstein berichtet, Berlin 26. Juni: „Une visite que le sieur Mitchell m'a faite ce matin, m'a fourni l'occasion de m'acquitter des ordres que Votre Majesté m'a fait l'honneur de me donner hier pour ce ministre.468-5 Il m'a parlé de nouveau des reproches qu'il s'était faits, de n'avoir pas demandé quelque éclaircissement à Votre Majesté, pour savoir au juste le secours qui Lui serait le plus agréable de la part de l'Angleterre, en cas de besoin. Je lui ai répondu que je n'avais pas manqué d'en faire mon très humble rapport, et que Votre Majesté m'avait donné clairement à entendre que c'était sur toutes choses l'envoi d'une escadre dans la Baltique qui Lui importait le plus actuellement.468-6 Sur quoi, il m'a dit qu'il en était charmé, puisque c'était justement l'article sur lequel il avait le plus insisté dans ses dernières dépêches, quoique cela ne l'eût pas empêché de demander aussi des instructions sur les autres secours à donner, savoir les troupes auxiliaires et l'argent. J'ai saisi cette occasion pour lui déclarer que, quant à l'argent, Votre Majesté n'en demandait pas dans le moment présent; qu'Elle n'aimait pas à être à charge à Ses alliés, mais que, si Elle en avait besoin avec le temps pour soutenir la guerre, Elle en avertirait l'Angleterre et qu'Elle Se nattait aussi qu'on Lui accorderait alors ce qu'Elle demanderait. Il me dit tout de suite que cela n'était que juste. Il se récria sur la grandeur d'âme de Votre Majesté et il traita cette matière avec tant d'éloges et de vivacité que je serais quasi tenté de croire qu'il faisait dans ce moment un parallèle désavantageux pour la<469> cour de Vienne entre cette conduite de Votre Majesté et tous les subsides que l'Angleterre avait été obligée de donner pendant la dernière guerre à la maison d'Autriche. Je lui dis ensuite que, Votre Majesté étant occupée â faire des arrangements et à prendre des' mesures pour Se mettre en sûreté contre les entreprises de Ses ennemis et pour les dérouter, Elle avait pris la résolution de faire tracer un camp à Hornburg dans le pays de Halberstadt; qu'Elle avait Ses raisons pour cela, et que, quoique ce fût encore un secret, Elle avait cru devoir le lui confier, comme au ministre d'une cour amie, afin qu'il ne prît pas le change, lorsqu'il l'apprendrait; et qu'Elle croyait que cette disposition qui faisait Son affaire, ferait aussi celle du roi d'Angleterre. Le sieur Mitchell parut recevoir cette confidence avec beaucoup de reconnaissance et me répondit qu'indépendamment du dessein de Votre Majesté cela pourrait en imposer en effet dans le premier moment et servir à la défense du pays d'Hanovre. Je lui ai parlé enfin du comte Gronsfeld, et, après lui avoir fait son portrait comme d'un ministre mal intentionné et autrichien dans le fond du cœur, je lui ai dit que Votre Majesté lui aurait une véritable obligation, s'il pouvait Lui procurer son rappel. J'ajoutai qu'il serait en effet fort désagréable, si, après les instructions que Votre Majesté venait de donner à Son ministre à La Haye,469-1 un homme tel que le comte Gronsfeld venait à en être informé, ce qui pourrait être très préjudiciable, non seulement aux intérêts de Votre Majesté, mais encore à ceux de l'Angleterre. Le sieur Mitchell en convint. Il me dit que les ordres de Votre Majesté lui suffiraient, qu'il en écrirait, et qu'il se flattait d'autant plus de réussir qu'il savait de bonne part que ce ministre n'était pas accrédité en Hollande, ni même dans son propre parti. Il finit par me prier d'assurer Votre Majesté qu'il n'oublierait rien de tout ce que je venais de lui dire par Son ordre, et qu'Elle pouvait compter qu'il en ferait le meilleur usage du monde. Je lui ai aussi communiqué la substance de la dernière dépêche du sieur de Maltzahn,469-2 en lui disant qu'il verrait par là que les mauvais desseins des deux cours impériales contre Votre Majesté faisaient déjà la conversation de la cour et de la ville à Dresde. Il m'a prié à son tour de marquer très humblement à Votre Majesté que, selon ses dernières lettres de Londres du 15 de ce mois, on y avait reçu la confirmation des bonnes dispositions de la cour d'Espagne, et que le sieur Keene marquait même qu'on y avait déjà pris toutes les mesures nécessaires pour déconcerter la négociation de l'abbé de Bernis, au cas qu'il y vînt, ce dont on doutait cependant, puisqu'on prétendait savoir que cet abbé était sur le point de relever le sieur de Rouillé469-3 dans le département des affaires étrangères.“

Potsdam, 28 juin 1756.

J'ai vu avec toute la satisfaction possible ce que vous m'avez marqué par votre rapport du 26 de ce mois, de la façon dont vous vous êtes acquitté des ordres que je vous avais donnés à votre départ d'ici, et la manière avec laquelle le sieur Mitchell s'est expliqué envers vous sur les différents points qui en ont fait l'objet, m'a fait plaisir.

<470>

Comme je n'ai point eu des nouvelles du marquis de Varenne, dont vous n'ignorez pas les instructions,470-1 depuis qu'il est parti de Marseille à Gênes, pour passer par mer à Smyrne, ce qui s'est fait dans le mois de février dernier,470-2 et qu'à la suite du temps les affaires publiques ont souffert un changement fort considérable, dont il serait très nécessaire qu'il fût informé, je ne sais cependant comment m'y prendre, pour lui faire passer sûrement de nouvelles instructions. C'est pourquoi j'ai résolu de m'adresser pour ce sujet au sieur Mtchell, auquel vous confierez préalablement les circonstances de cette mission, avec les raisons qui m'y avaient porté, et le prierez ensuite de ma part de vouloir bien envoyer ma lettre ci-jointe470-3 pour le sieur de Varenne en Angleterre, en requérant le ministère de vouloir bien la faire parvenir sûrement à sa direction, par la voie qu'on trouvera la plus sûre et la plus convenable. Enfin, qu'aussi on n'ait pas le moindre soupçon ni ombrage sur son contenu, voici une copie fidèle de cette lettre que vous ne manquerez pas de donner au sieur Mitchell, pour ne pas laisser aucun soupçon en arrière sur son contenu, que j'espère que, [vu] la situation où je suis avec l'Angleterre, le ministère voudra bien accompagner avec ses ordres au ministre d'Angleterre à Constantinople et à son consul à Smyrne. Et, sur ce, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.



468-5 Diese Befehle waren Finckenstein mündlich in Potsdam am 25. Juni ertheilt worden.

468-6 Vergl. S. 448.

469-1 Vergl. S. 458.

469-2 Bericht Maltzahn's; Dresden 21. Juni: „La nouvelle d'une négociation secrète de la part de la cour de France avec la cour de Pétersbourg tient ici tous les esprits en suspens, dans l'attente où l'on est de la résolution que la Russie va prendre dans les circonstances présentes. Je remarque cependant assez qu'on incline ici à supposer que la France pourrait se détacher de Votre Majesté, puisque sans cette supposition on ne saurait trouver la solution d'une alliance si extraordinaire que celle de la France avec les deux cours impériales; qu'il fallait donc que celles-ci fussent sûres que la France les laisserait faire, que, cela posé, elles feraient leurs dispositions pour attaquer Votre Majesté, sachant bien que Votre Majesté ne Se laisserait pas prévenir, mais qu'Elle préviendrait sans délai la cour de Vienne, ce qui mettrait celle-ci dans le cas de réclamer le secours de la France.“

469-3 Vergl. Bd. XI, 78. 287.

470-1 Vergl. Bd. XI, 488.

470-2 Vergl. S. 174.

470-3 Nr. 7619.