8140. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.
Sedlitz, 30 septembre 1756.
J'ai bien reçu votre rapport du 17 de septembre, et vous aurez reçu par la précédente poste la réponse que je vous y avais faite en gros.476-3 Je dois y ajouter par la présente que pour mal que le ministère de France puisse interpréter les démarches auxquelles je me suis vu nécessité contre la Saxe, j'ai été dans l'impossibilité et qu'il aurait été contre toute prudence et même contre le bon droit, — après que l'Impératrice-Reine vient de rompre la paix avec moi, n'ayant voulu se prêter à me donner la déclaration amicale dont je l'avais requise,476-4 pour pouvoir compter sur le maintien de la tranquillité, — laisser derrière moi un ennemi aussi dangereux que l'est à mon égard la cour Dresde, qui l'était d'autant plus qu'elle tâchait de couvrir toutes ses machinations du masque de l'amitié et d'une neutralité, n'attendant au fond qu'une occasion propre pour pouvoir me porter sûrement le coup fatal auquel elle vise sourdement.
<477>Le peu de papiers que j'ai fait enlever de la chancellerie de Dresde,477-1 répandent encore un plus grand jour sur les pernicieux desseins de la cour de Saxe. Le marquis de Valory en pourra rendre bon témoignage, ayant lu de ses propres yeux les originaux de ces papiers,477-2 lesquels lui ont même en partie été remis en copie pour satisfaire à la demande qu'il en avait faite. Il est donc raisonnablement à présumer que, quand le ministère de France aura lu la copie du traité de partage, moyennant lequel la Saxe s'est engagée d'envahir pour elle les plus considérables de mes provinces,477-3 ayant toujours continué à négocier là-dessus, nonobstant qu'elle eût conclu avec moi son traité de Dresde,477-4 et ayant remis ledit traité de partage sur le tapis comme une condition pour accéder au traité de Pétersbourg,477-5 il est à présumer, dis-je, que le ministère de France, si d'ailleurs il ne veut affecter une partialité des plus marquées, conviendra que je n'ai absolument pu me dispenser de désarmer un ennemi qui ne faisait qu'épier le moment favorable pour m'enfoncer le poignard dans le cœur, dès lors que je me verrais les mains liées à ne pouvoir parer le coup mortel.
Au surplus, il n'a dépendu que du roi de Pologne de se prêter à un accommodement équitable avec moi; aussi continué-je à témoigner tous les égards personnels à ce Prince et à sa famille royale, et quoique, par une nécessité absolue, je me voie obligé de tenir bloquées les troupes saxonnes, la table de Sa Majesté le roi de Pologne ne s'en ressent aucunement, le transport des vivres et de tout ce qui est nécessaire pour la servir, étant très permis et ne rencontrant pas le moindre obstacle, la reine de Pologne ayant de son côté reçu les sommes en argent qu'elle a demandées.477-6 Enfin, vous ne manquerez pas de rappeler en gros au ministère de France tout ce qu'a ourdi contre moi la cour de Saxe en 1745, et que ladite cour ne s'est jamais départie des sentiments qu'elle avait conçus en ce temps-là à mon sujet, et ledit ministère se verra naturellement obligé par là de me justifier. Au moment même que je vous écris, je viens d'apprendre par des lettres interceptées que le projet a été arrêté entre les cours de Vienne et de Dresde, et qu'il a subsisté dans le temps où le roi de Pologne m'a fait porter des paroles de conciliation, savoir qu'un corps de 6,000 Autrichiens devait se rendre de la Bohême pour joindre les Saxons, afin de me tomber conjointement avec ceux-ci sur les bras. Les prisonniers faits sur les Autrichiens ont confirmé la même nouvelle, et je vous ferai communiquer les lettres en question, dès que j'en aurai le loisir.
Nach dem Concept.
<478>476-3 Vergl. Nr. 8130.
476-4 Vergl. S. 278.
477-1 Vergl. S. 376.
477-2 Vergl. S. 377. 412.
477-3 Vergl. S. 413.
477-4 Vergl. Bd. IV, 414.
477-5 Vergl. S. 307. 308; Bd. VII, 432; VIII, 603; IX, 487; X, 537.
477-6 Vergl. S. 473.