Il est1 arrivé ces jours passés un courrier de Vienne, des dépêches duquel il n'a rien transpiré, quoiqu'elles aient donné lieu à différentes conférences très étendues entre M. Rouillé et le comte Starhemberg. Mais l'on prétend savoir que l'Impératrice-Reine commence enfin à entrer dans les vues de la France par rapport à l'emploi du corps auxiliaire proposé par cette dernière,2 quoiqu'avec de certaines modifications sur lesquelles on n'est pas encore d'accord. En attendant, je sais de bon lieu que quelques-unes des pièces justificatives qui sont jointes au mémoire que la cour de Berlin vient de publier,3 ont fait beaucoup d'impression sur différents membres du Conseil, qui n'ont pas fait difficulté de blâmer la conduite des cours de Vienne et de Saxe et de s'en expliquer en termes très énergiques. Mais si la publication de cet écrit a dessillé les yeux à une partie du Conseil et lui a inspiré plus de modération qu'il n'en a témoigné jusqu'à présent, il s'en faut de beaucoup que les symptômes de changement se manifestent dans la conduite et le langage du Roi. Il m'est non seulement revenu de plus d'un endroit que ce Prince a été vivement affligé de la démarche à laquelle le roi de Prusse a su réduire l'armée saxonne; mais il m'a été confié aussi que, dans l'audience qu'il a donnée ces jours passés à l'abbé Migazzi, qui vient d'arriver d'Espagne, pour retourner à Vienne,4 il a chargé cet ambassadeur d'assurer l'Impératrice-Reine qu'elle pouvait être persuadée que l'amitié qu'il lui avait vouée, serait indissoluble. Il est certain que le comte de Starhemberg ne saurait que s'alarmer de voir que, malgré toute l'adresse dont a usé sa cour pour fasciner les yeux du ministère de France et de la nation, ce bandeau commence à tomber, et qu'il n'y a presque plus personne qui ignore les inconvénients du traité de Versailles et qui n'en parle avec le plus grand mépris. Mais la prévention opiniâtre du roi de France en faveur des nouvelles liaisons qu'il a formées, et l'aigreur personnelle qu'il a conçue contre le roi de Prusse, seront peut-être les plus grands obstacles qu'on aura à combattre en pareil cas. Ce qui concerne, au reste, les différends qui viennent de s'élever entre le roi de Danemark et les cours de Vienne et de Pétersbourg,5 il y a plusieurs semaines qu'on en est instruit ici, et qu'on craint que cette tracasserie qu'on accuse le roi de Prusse de fomenter, ne dégénère en une rupture ouverte. M. de Wedell-Friis, qui est chargé ici des affaires de la cour de Danemark, dit même sans déguisement que le Roi son maître ne souffrira jamais qu'on fasse aucune démarche qui puisse tendre à invalider ou à anéantir l'élection du Prince son fils en qualité de coadjuteur à l'évêché de Lübeck, mais qu'il s'y opposera de toutes ses forces.
Les dernières lettres6 qu'on a reçues devienne, portent que l'Imperatnce-Reine ne désapprouvait à la vérité pas le projet de diversion
1 Aus dem Immediatbericht Knyphausen's, d. d. Paris 5. November.
2 Vergl. S. 39.
3 Vergl. Bd. XIII, 510.
4 Vergl. Bd. XIII, 50.
5 Vergl. S. 59.
6 Aus dem Immediatbericht Knyphausen's, d. d. Paris 8. November.