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Cette bataille ou, pour mieux dire, cette action dura sept heures, la cannonade de deux côtés fut continuelle pendant qu'elle dura; cependant nos pertes n'ont été que fort légères : nous n'avons eu en tout que 653 morts, entre lesquels le général de Lüderitz mérite le plus d'être regretté; 800 blessés, dont le plus grand nombre est déjà de retour auprès de ses corps. On a pris à l'ennemi 500 prisonniers, 4 canons et 3 étendards. M. de Browne a fait à peu près 240 prisonniers de notre cavalerie, ce qui ne roule que sur quelques cuirassiers, qui, ayant franchi le fossé, eurent leurs chevaux tués et ne purent rejoindre leur régiment. L'armée prussienne se campa sur le champ de bataille où elle est demeurée tranquillement; elle a fourragé à portée du canon de l'armée ennemie, sans presque voir d'Autrichiens.

Dès le 6, on apprit que M. de Browne faisait un détachement, dont son régiment était, que ces troupes étaient passées à Raudnitz et s'avançaient du côté de Bœhmisch-Leipa. L'on sut que ce corps, consistant en 6,000 hommes, s'avançait vers les frontières saxonnes. Quoique la faiblesse de ce détachement donnât peu d'appréhension, on crut que notre armée de Saxe, n'ayant que 30 escadrons, pourrait avoir besoin d'un renfort de cavalerie, surtout si les Saxons tentaient de forcer le passage de Hellendorf, où la cavalerie aurait pu être employée utilement, surtout dans les plaines de Peterswalde. Ces considérations déterminèrent le Roi à y aller en personne. Sa Majesté partit le 13 de Lobositz avec 15 escadrons de dragons, et le 14 à midi elle joignit son autre armée.

Depuis le 10, les choses étaient bien changées au camp de Pirna. Les Saxons avaient tenté ce jour de faire un pont à Wehlstaedtel.1 Nous y avions une redoute; le capitaine Dequede s'y trouvait avec 50 grenadiers de Bevern. Il fit tirer sur ces barques, il en prit 7 ou 8, il en coula quelques-unes à fond par son canon, et le dessein des Saxons échoua. Les ennemis changèrent leur projet et, comprenant la difficulté qu'il y avait de faire transporter leurs bateaux sur l'Elbe, où ils avaient le feu de trois redoutes prussiennes à essuyer, firent charger leurs pontons sur des haquets et les conduisirent par terre auprès du Kœnigstein vis-à-vis du village de Halbstædtel. Les Saxons avaient regardé cette sortie de leur camp comme étant la plus facile, à cause du secours qu'ils attendaient des Autrichiens.

Il est nécessaire pour l'intelligence de cette relation de rompre en cet endroit le fil de la narration pour entrer dans le détail du terrain qui, comme on sait, est la base de toutes les dispositions militaires. On a vu par la description qui a été faite du poste de Pirna, que son assiette se trouvait très forte; mais ce poste a le défaut qu'il est aussi difficile d'en sortir que de la forcer. Selon le local du terrain, les Saxons ne pouvaient tenter de forcer le passage que par Hermsdorf et Hellendorf; ils y auraient certainement beaucoup perdu, mais ils avaient



1 Wehlstädtel = Wehlen: Halbstädtel = Halbstadt. S. 91 Alin. 3 und 4 steht in der Vorlage statt des letzteren Ortes fälschlich Altstadt resp. Altstädtel.