8373. AU MINISTRE DE LA GRANDE-BRETAGNE MITCHELL A DRESDE.
Mitchell überreicht in französischer Uebersetzung ein Schreiben des englischen Gesandten Williams, d. d. Petersburg 2. November, worin gemeldet wird: „Le mé<79>moire raisonné avec les pièces justificatives79-1 ont eu un bon effet à cette cour. J'ai eu hier une conversation avec le Grand-Chancelier, qui n'avait pas vu cet écrit. Je le lui donnai. Il m'a paru inquiet principalement à cause de la correspondance de M. Funcke. Je lui ai dît qu'il trouvera dans cet imprimé une marque incontestable des égards que Sa Majesté le roi de Prusse avait pour lui, en cachant beaucoup de choses qui touchaient à lui,79-2 les preuves desquelles devaient infailliblement être entre les mains de Sa Majesté. Je fis remarquer au Grand-Chancelier l'attention particulière que Sa Majesté le roi de Prusse avait eue pour ménager la cour de Russie, en la traitant avec beaucoup de politesse dans cet écrit, nonobstant la haine et l'inimitié de dix ans que cette cour avait témoignées envers Sa Majesté Prussienne. J'ai pressé le Grand-Chancelier de représenter tout ceci à l'Impératrice. Il me répondit que les choses étaient encore dans une trop grande fermentation, mais que pourtant il chercherait la première occasion de le faire; en attendant, il souhaitait que Sa Majesté Prussienne pût gagner encore une victoire complète sur les Autrichiens et puis, en faisant la paix avec l'Impératrice-Reine, tirer cette cour des embarras où elle se trouvait. Le Grand-Chancelier espère que, si le roi de Prusse fait faire des autres écrits, il aura la bonté de le ménager, autant qu'il soit possible, et il m'a fait insinuer la même chose par Madame la Grande-Duchesse, laquelle est parfaitement bien disposée envers le roi de Prusse. Je vous ai marqué dans ma dernière l'état de la santé de l'Impératrice;79-3 c'est l'opinion de beaucoup de personnes qu'elle n'a pas deux mois à vivre.“
Mitchell überreicht in französischer Uebersetzung ein zweites Schreiben des englischen Gesandten Williams, d. d. Petersburg n. November. Williams schreibt: „L'Impératrice est très malade et sa mort changerait tout-à-fait la face des affaires. Le Grand-Duc et la Duchesse sont entièrement dans l'intérêt du roi de Prusse, et vous pouvez assurer Sa Majesté que ce que je dis, je dis par autorité; c'est par la Grande-Duchesse et par ses dépendants que le Grand-Chancelier est gouverné, mais son crédit ici n'est pas comme auparavant, un jeune homme, nommé Schuwalow, est favori.79-4 Il a depuis peu commencé à se mêler des affaires, c'est lui qui a mené et soutenu les intrigues françaises à cette cour.79-5 Le Grand-Chancelier n'ose pas le contredire. L'argent ne peut rien sur le favori, parcequ'il a autant qu'il veut; il est très difficile pour les ministres étrangers en particulier de le voir ou de lui parler. Depuis le commencement de la maladie de l'Impératrice, le favori et toute sa famille ont fait leur cour sous main à la Grande-Duchesse, en implorant sa protection future et promettant des services présents. La Grande-Duchesse m'a fait confiance de ceci, et elle a répondu qu'elle avait fort peu à demander; mais comme ses inclinations aussi bien que celles du Grand-Duc étaient pour les Anglais, elle regarderait comme des ennemis tous ceux qui tâcheraient de former l'union entre cette cour et celle de Versailles. Le Vice-Chancelier a été toujours regardé comme ami du roi de Prusse;79-6 je l'ai beaucoup fréquenté depuis peu, et hier, dans l'appartement de l'Impératrice, ou le favori parla avec quelque approbation du mémoire raisonné du roi de Prusse, le Vice-Chancelier dit devant le monde tout haut que tels écrits et tels raisonnements, soutenus par des preuves authentiques, ne manqueraient pas de donner à l'Europe une idée de la conduite du roi de Prusse bien différente de celle qu'on avait il y a deux mois. 79-7 , , .
Les écrits prussiens ont fait beaucoup, mais la marche des troupes en Prusse et l'augmentation de l'armée en ce pays-là ont fait davantage, en un mot : cette cour est dans une panique, elle craint le roi de Prusse, et on commence à parler ouvertement du mauvais état de l'armée. Apraxin, en prenant congé, dit à la Grande-Duchesse qu'il était envoyé à Riga pour prendre le commandement d'une armée dé<80>pourvue des officiers et de la cavalerie. Quelle que puisse être l'armée, elle est digne du Général : il n'a jamais vu l'ennemi et n'a pas la moindre envie de le voir; il est parti pourtant avant-hier pour Riga, c'est mon avis qu'il ne passera pas la frontière, au moins cette année.
Je me suis donné beaucoup de mouvements à contredire tous les mensonges et calomnies de la faction française et autrichienne contre le roi de Prusse, et j'ai tant gagné sur l'esprit de l'Impératrice qu'elle commence à douter; c'est pour cela qu'elle a pris la résolution d'envoyer le comte Iwan de Tschernyschew sous prétexte de résider auprès [de] la reine de Pologne, mais réellement, pour s'informer de la vérité des faits. Ce jeune comte a été autrefois à Berlin, et je puis répondre qu'il est bien intentionné au roi de Prusse; je sais aussi qu'il a des ordres secrets, en cas que l'occasion se présente, de ne montrer aucune aversion aux intérêts du roi de Prusse; en un mot : je suis persuadé que le voyage de ce jeune comte à Dresde pourrait ouvrir un chemin pour rétablir la bonne intelligence entre les cours de Pétersbourg et de Berlin, et comme il est bien intentionné et ne manque pas de bon sens, il conviendra d'avoir des attentions pour lui et même de le traiter avec quelque marque de distinction. J'espère que le roi de Prusse enverra quelque homme de bon sens auprès de lui, à son arrivée à Dresde, pour l'informer de tout ce qui s'est passé dans la Saxe depuis son entrée dans ce pays, et par là de le mettre en état de contredire tous les faux bruits, répandus par la malice des ennemis de Sa Majesté. Le jeune comte est entièrement attaché à Schuwalow, le favori; il doit écrire en droiture à l'Impératrice, et pas aux ministres; il partira d'ici bientôt.
Si Sa Majesté Prussienne m'autorisait de faire des compliments de sa part au Giand-Duc et à la Grande-Duchesse, cela ferait du bien. Je suis charmé de l'approbation dont Sa Majesté m'a honoré.“
Dresde, 28 novembre 1756.
Je vous rends mille grâces, Monsieur, des bonnes nouvelles que vous avez bien voulu communiquer des dernières lettres qui vous sont entre'es du chevalier Williams, et qui ne laissent rien désirer qu'une bonne continuation. Je ne saurais être que très sensible et touché du zèle avec lequel il agit pour moi et pour les intérêts de la cause commune; j'attends tout de sa dextérité, mais il m'obligerait infiniment encore s'il voulait bien prendre le moment convenable pour assurer affectueusement de ma part Leurs Altesses le Grand-Duc et la Grande-Duchesse de toute l'étendue de la plus haute estime et de l'amitié sincère que j'avais pour elles, et qui jamais n'avaient été ni ne seraient altérées. Il peut compter d'ailleurs que, quand le jeune comte Tschernyschew arrivera ici, j'aurai toutes les attentions possibles pour lui et ne manquerai à aucune politesse à son égard. Si, au reste, il y avait moyen que M. le Chevalier nous sache instruire de ce que la cour de Russie voudra faire, à la fin, de ses troupes assemblées en Livonie et en Courlande, je lui en saurais un gré infini. Et, sur ce, je prie Dieu etc.
Federic.
P. S.
N'y aurait-il pas moyen que le chevalier Williams tirât parti des sentiments pacifiques du favori et de son empressement à complaire à<81> la jeune cour, pour empêcher par lui que les troupes russiennes ne passassent point du tout la frontière?
Nach der Ausfertigung im British Museum zu London.
79-1 Vergl. S. 3. 9 ; Bd. XIII, 617.
79-2 Vergl. Bd. XIII, 485.
79-3 Vergl. S. 49.
79-4 Vergl. Bd. XIII, 117.
79-5 Vergl. Bd. XII, 513; XIII, 616. 617.
79-6 Vergl. Bd. V, 193. 238. 385; VI, 42. 73. 164. 188. 535; VII, 430; XI, 261.
79-7 Vergl. Bd. XIII, 516.