8738. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A ERLANGUE.
[Dresde], 17 [mars 1757].
Ma très chère Sœur. Le tendre intérêt que vous daignez prendre à ma situation, me touche au delà de tout ce que je peux vous dire; avec de pareils amis je peux dire, comme Cicéron :382-1 « Les Dieux sont pour César, mais Caton suit Pompée. » Je suis persuadé que Folard382-2 a personnellement les meilleures intentions du monde; mais, ma chère Sœur, sa cour pense autrement: ils se sont trop engagés avec la cour de Vienne, qui leur cède une partie de la Flandre382-3 en faveur de la conquête du pays de Clèves, que les Français doivent faire pour la maison d'Autriche. Voilà la base de toute cette ligue ou le complot de ces brigands, pour détrousser et assassiner un homme qui leur déplaît. Les Français enverront même un corps de 30,000 hommes vers le pays de Magdebourg, dont ils ont disposé en faveur du roi de Pologne; mais je ris de leurs vains projets, et je suis sûr de les déranger plus d'une fois : toutes mes mesures sont prises, je sais tout le mal que l'on veut faire; je me tais à présent, mais je parlerai à mon tour. Ainsi, dans les commencements, tout cela aura l'air d'un chaos, et il faudra du temps pour le débrouiller; mais je vous supplie en grâce de ne vous point inquiéter, avant que d'avoir reçu de mes lettres. Je ne pourrai, à la vérité, vous écrire fort exactement, à cause du nombre d'occupations que j'aurai, et que peut-être même dans les commencements la position des ennemis m'en empêchera, mais soyez sûre d'avance de 100,000 fausses nouvelles que ces gens débiteront avec assurance et effronterie, et croyez fermement que tout ce qu'ils disent, n'est pas vrai.
Comme vous m'avez demandé les bulletins de l'armée,382-4 je prends la liberté de vous les envoyer; vous verrez par là qu'il n'y a eu jusqu'ici que des misères qui se sont passées, et les Autrichiens font courir ces bruits avantageux à leurs armes dans l'unique intention d'encourager les princes de l'Empire qu'ils veulent soulever contre moi.
Je vous demande mille pardons, si je ne vous en dis pas davantage; j'ai beaucoup à faire, ce qui me restreint aux assurances de la plus parfaite tendresse et de la haute estime avec laquelle je suis, ma très chère Sœur, votre très fidèle frère et serviteur
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
382-1 Sic statt Lucain (Lucanus, Pharsalia, I, 128). Vergl. Œuvres de Frédéric le Grand, XXIV, 107.
382-2 Vergl. S. 213.
382-3 Vergl. auch S. 332. 343.
382-4 Vergl. S. 304. 375.