8843. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.

Lockwitz, 10 avril 1757.

Monsieur mon Frère. J'ai promis à Votre Majesté487-6 de La mettre au fait des projets des mes ennemis et des mesures que j'ai prises pour les déranger. A présent que je suis au fait et sûr de ce que j'avais besoin d'approfondir, je puis le faire avec certitude.

La reine de Hongrie compte beaucoup sur le secours des Français et des Russes; elle veut selon sa coutume que ses alliés s'exposent, pour recueillir le fruit de leurs travaux sans rien hasarder. En suivant ce principe, elle a ordonné à M. de Browne de se tenir sur la défensive en Bohême et d'attendre l'arrivée de 50,000 Français, qui doivent se rendre à Erfurt, et de 30,000 Russes, qui doivent faire une diversion en Silésie, assurée que je serais obligé de détacher du côté de ces armées;487-7 ce qui, m'affaiblissant d'un côté ou d'autre, donnerait le moyen à Browne de tomber avec sa force sur la partie la moins garnie de mes troupes. Pour exécuter ce projet, Browne a partagé son armée en quatre parties : 30,000 hommes vers la ville d'Eger, destinés pour se joindre aux Français, qui doivent marcher du Rhin par le Bamberg, pour marcher sur Erfurt et tenter de là une diversion dans le pays de Magdebourg; 50,000 à Budin dans son vieux camp au confluent de l'Eger dans l'Elbe; 30,000 hommes sur les frontières de la Lusace, pour nous empêcher l'entrée de la Bohême de ce côté-là, et 30,000 hommes pour occuper le camp de Kœniggraetz.

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Je n'entre point dans l'examen du projet des ennemis, mais il me semble qu'il est très vicieux en ce qu'il marque une grande méfiance dans ses propres forces, et qu'il semble qu'il n'espère de m'accabler que par le nombre. Or voici ce que j'ai cru devoir faire contre lui.

Primo, la raison de guerre comme la raison de politique m'obligent à prévenir mon ennemi,488-1 pour déranger ses desseins et pour frapper un grand coup qui encourage mes amis, qui étonne mes ennemis, qui rassure les timides et décide les tièdes en ma faveur. Quoique la saison soit peu avancée, quoique avec de nombreuses armées l'article des subsistances soit très difficile,488-2 il se trouve que l'ennemi y a pourvu, et que la reine de Hongrie a épuisé la Hongrie pour me fournir des vivres.

Mon projet est fondé sur les magasins qu'ont construits les ennemis; ils ont des dépôts de vivres depuis la Silésie jusqu'à Eger, qui sont aventurés dans des endroits ouverts et sans défense. Leurs magasins principaux sont à Jung-Bunzlau, à Leitmeritz, à Brüx, à Budin, à Schlan, à Kœniggrætz. Sur ces connaissances, j'ai résolu de faire entrer le maréchal Schwerin en Bohême, qui doit diriger sa marche sur Jung-Bunzlau. Ce mouvement obligera les 30,000 Autrichiens qui sont vers la Lusace, de se retirer. Le prince de Bevern avancera alors sur eux, leur donnera la chasse et se joindra au maréchal de Schwerin. J'entrerai en même temps en Bohême et me porterai sur Aussig, où l'ennemi a un petit magasin, tandis que le prince Maurice d'Anhalt marchera par Kommotau sur Brüx, pour s'emparer de ce magasin; nous nous joindrons à Hlinay. Après quoi Schwerin avancera sur Leitmeritz et moi sur l'Eger, que je passerai pour m'emparer du magasin de Schlan.

Browne sera dans la dernière confusion, quand il entendra que nous entrons en Bohême de tous côtés. Ses troupes fuiront de tous les côtés pour le rejoindre; il se verra dans le cas de perdre tous ses magasins, ce qui le forcera de combattre hors de son poste. Ses troupes seront déjà découragées par leur fuite, de sorte que j'ai tout lieu d'espérer un heureux succès de cette entreprise. Nous entrerons en Bohême entre le 15 et le 18, et j'espère, si tout succède heureusement, d'avoir replié toute cette formidable armée au delà de la Beraun vers la mi-mai, ce qui me mettra en état de faire alors des détachements contre Russes et Français et de secourir mes alliés où cela sera nécessaire.488-3 J'espère de pouvoir dans peu informer Votre Majesté de la réussite de cette difficile entreprise. L'assurant de la haute estime et de la considération infinie avec laquelle je suis, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère

Federic.

Nach der Ausfertigung im Königl. Staatsarchiv zu Hannover. Eigenhändig.

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487-6 Vergl. S. 188. 252. 403.

487-7 Vergl. S. 433.

488-1 Vergl. S. 423.

488-2 Vergl. S. 400. 416. 422. 423. 440.

488-3 Vergl. S. 403. 435. 487.