9085. AU ROI DE LA GRANDE-BRETAGNE A LONDRES.
Camp de Prague, 10 Juin 1757.
Monsieur mon Frère. J'ai reçu la lettre de Votre Majesté avec la plus grande satisfaction, j'espère que M. Grant aura rendu la mienne159-1 à Votre Majesté avec le détail de l'action du 6.
Depuis ce temps nous avons étroitement enfermé les Autrichiens dans Prague, dont les débris de l'armée montent à 30,000 combattants et à 10,000 blessés et malades. En même temps qu'on les a resserrés de tous les côtés, le prince de Bevern a été détaché avec 20 bataillons et 90 escadrons, avec lesquels il a poussé le maréchal Daun, qui était à Bcehmisch-Brod, premièrement à Kolin, ensuite à Czaslau et à présent à Teutsch-Brod.159-2 J'envoie encore 10 bataillons et 20 escadrons de renfort au prince de Bevern; comme ces troupes viennent de Silésie,159-3 elles ne pourront le joindre que vers le 20. Alors ce Prince poussera les Autrichiens sur les frontières de l'Autriche et leur enlèvera les deux magasins qui leur restent encore : de Teutsch-Brod et d'Iglau.159-4 Leopold Daun n'est fort jusqu'à présent que de 33,000 hommes. Il a déjà abandonné trois magasins en se retirant,159-5 ainsi il y a apparence qu'il en fera de même pour ceux qui lui restent.
Cette expédition terminée, le prince de Bevern se rabattra sur Prague avec une partie de ses troupes, ce qui me mettra à portée de faire un détachement de 30,000 hommes en Allemagne. La garnison de Prague n'a que pour trois semaines de vivres; si nous la prenons, avant que le prince de Bevern ait achevé son expédition, ce n'en sera que mieux, et le détachement partira plus tôt. Votre Majesté peut être très persuadée que je vois avec beaucoup de chagrin mes possessions du Rhin entre les mains et à la merci des Français, et que, s'il y avait moyen, il y aurait longtemps que j'aurais tâché de les délivrer de cette oppression; mais si je prends l'armée de Prague, comme il y a toute<160> apparence, ce coup décide de la guerre et me met en état de pousser avec la plus grande vivacité mes opérations contre les Français.
L'on me mande de Prusse que l'on s'attend à tout moment à l'invasion des Russes, que leurs vaisseaux de guerre croisaient déjà devant les ports de ce royaume.160-1 Si cela devient sérieux, je serai obligé peut-être d'envoyer quelque secours au maréchal Lehwaldt qui commande là-bas, ce qui m'affaiblira d'un autre côté.
Enfin, je suis plein d'espérance, et je ne doute point que nous ne nous tirions d'affaire malgré la haine, l'animosité et l'ingratitude de nos ennemis, mais il faut perdre du temps à propos et regagner ensuite ce temps en d'autres occasions par la vigilance et l'activité. Je suis avec les sentiments de la plus haute estime, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère
Federic.
Nach der Ausfertigung im Königl. Staatsarchiv zu Hannover. Eigenhändig.
159-1 Nr. 8908.
159-2 Vergl. Nr. 8988. 9073.
159-3 Vergl. S. 146. 156.
159-4 Vergl. S. 153.
159-5 Vergl. S. 79.
160-1 Vergl. S. 161. 163.